À quoi servent les données utilisateurs dans le jeu vidéo ?
Les métiers liés à la data dans le jeu vidéo
Avec l’avènement du jeu en ligne et du contenu dématérialisé, le jeu vidéo est plus que jamais un loisir qui se partage. Vous n’êtes plus seul quand vous jouez : des gens scrutent vos moindres faits et gestes pour en tirer un certain nombre d’enseignements. Voici quelques-unes des disciplines qui régissent aujourd’hui ce pan important de la création de jeux vidéo, sachant que ces métiers ne sont pas nécessairement exercés par des personnes différentes.
- Le ou la Data Engineer va concevoir les systèmes de collecte de données. Quelles informations sont importantes ? Où et comment les consigner ? Il met en place les outils permettant aux flux d’informations souhaitées d’arriver à bon port, et dans la forme qui convient.
- Le ou la Data Analyst fait ensuite « parler » ces données. Il est chargé de leur formalisation détaillée, dans une étude qui vise un but précis.
- Le ou la Data Game Designer s’occupe ensuite d’en appliquer concrètement les enseignements au sein du jeu, par le biais de tests A/B par exemple. Plus précisément, un Economic Game Designer aura pour tâche d’améliorer ou de consolider les mécaniques de rétention (maintien de la base de joueurs existante), d’acquisition (séduire de nouveaux joueurs) et de monétisation d’un jeu vidéo en fonction de ces mêmes études.
- Moins opérationnel, le Data Scientist va manipuler les données en vue de déterminer des modèles, prédictifs ou de segmentation, qui éclaireront les décisions des dirigeants d’un studio. Tendances marché, bonnes pratiques, terrains glissants : son rôle est d’orienter son commanditaire dans la meilleure direction, d’un point de vue plus macro.
- Enfin, le Chief Data Officier coordonne tous ces profils au sein de l’entreprise. Grâce à son expertise, il prend les décisions et apporte son soutien aux collaborateurs pour les aider à mieux s’appuyer sur les données pour traiter leurs sujets et trouver des réponses,
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Des données partout, tout le temps
La récolte directe
Les vieilles recettes sont parfois les meilleures. Au travers de playtests – des sessions de jeu privées encadrées par le studio de développement ou l’éditeur du jeu – de questionnaires en ligne ou directement sur Reddit ou Twitter, il est possible de recueillir les retours des joueurs et joueuses dans le cadre d’une alpha, d’une beta ou même après la sortie d’un jeu. Ces données sont parfois difficiles à compiler et à trier, mais elles permettent d’identifier rapidement les points à corriger ou améliorer, tout en dégageant la tendance générale et l’intérêt suscité par le projet. C’est également un bon moyen d’étudier le marché, en récoltant un maximum d’informations sur un genre particulier ou sur les jeux de la concurrence.
Certains studios disposent même de méthodes spécifiques : Relic Entertainment a par exemple proposé à ses fans les plus engagés de s’inscrire sur sa plateforme communautaire CoH Development, permettant une communication directe entre le studio et ses joueurs pendant le processus de développement du jeu de stratégie en temps réel Company of Heroes 3. Toujours chez SEGA, Amplitude Studios a pour habitude, au travers des périodes d’Accès Anticipé proposées pour la plupart de ses titres, de collaborer étroitement avec ses « early adopters » jusqu’à trouver le bon équilibre et ajuster le contenu du jeu de manière réactive.
Les données personnelles
L’intégralité des jeux en ligne vous demandent de vous connecter à un compte, directement au sein du titre ou sur une plateforme (Steam, Battle.net, PlayStation…). Les informations requises peuvent varier d’un support à une autre, mais vous consentirez nécessairement à partager certaines de vos données personnelles au passage : nom, âge, sexe, pays de résidence et surtout adresse email figurent parmi les données essentielles que vous transmettez lors de votre inscription. Autant d’informations de valeur pour le récipiendaire, qui ne s’est pas privé, pendant longtemps, d’en faire commerce dans votre dos.
L’Union Européenne a tapé du poing sur la table, après des années de pratiques éthiquement critiquables. Le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) régit depuis 2016 l’utilisation des données personnelles des résidents de l’Union, et la perspective d’amendes salées depuis 2019 a refroidi les ardeurs des acteurs les plus actifs dans le domaine de la collecte et la revente de données. En dehors de sa seule valeur marchande, ce premier pool de datas peut s’avérer utile, puisqu’il permet par exemple de mieux cibler son marketing en fonction de la localisation géographique de sa communauté. On ne fait pas la même promotion pour un jeu si la majorité de ses usagers se trouvent aux États-Unis, en Europe ou au Japon.
Les données télémétriques
Voilà le cœur des enjeux. Collectées à distance et stockées dans de rutilants tableurs, les données télémétriques sont constituées de l’ensemble des actions effectuées par un utilisateur dans un jeu. Lorsque vous jouez, vous partagez un grand nombre d’informations avec son créateur : les données personnelles liées à votre compte, mais surtout les actions réalisées au sein du jeu, la durée de votre session ou encore votre parcours dans les menus. Chaque data peut être soigneusement consignée dans une base de données, puis analysée pour ajuster les différents paramètres du jeu et améliorer son équilibre, augmenter son intérêt ou son taux de rétention.
L’intérêt d’une telle pratique est multiple. Il s’agit dans un premier temps de vérifier les postulats qui ont régi le processus de développement. Faites-vous dans le jeu ce que les créatifs ont pensé que vous feriez ? Préférez-vous tel type de quête, tel personnage ou tel équipement ? Dans le cadre d’un Battle Royale, ces informations peuvent aider à faire évoluer la méta : si beaucoup de monde utilise une arme en particulier en raison de son efficacité, au détriment d’une autre, alors changer les dégâts qu’elle inflige, sa vitesse de rechargement ou le nombre de munitions disponibles pourra inciter la communauté à envisager d’autres options.
La collecte et consignation de toutes les communications entre les membres de la communauté peut également livrer de précieux enseignements, et notamment permettre à un studio de lutter contre la toxicité en ligne avec des mesures rapides – interdiction de certains mots, bannissement temporaire ou permanent – ou sur le long terme, avec une réelle politique de prévention et de répression. N’écrivez jamais, dans une partie de Call of Duty en ligne, que vous êtes en retard : en anglais, retard signifie « attardé », et le simple signalement par un autre joueur suffira à vous faire bannir du jeu quelques heures. C’est un peu bête et méchant, mais cela permet à Activision de faire un premier ménage dans sa communauté, dont la réputation n’est plus à faire, sans réaliser d’investissement coûteux.
Les données générales
Une fois passées dans une première moulinette algorithmique en fonction des besoins du studio, les données télémétriques peuvent livrer de nouveaux enseignements, plus globaux : le nombre de connexions par jour ou à un instant T, le temps de jeu moyen, le pourcentage de complétion de la majorité des utilisateurs… Ces informations peuvent s’avérer utiles pour le service marketing, qui pourra traduire certaines de ses données en infographies vantant les accomplissements de la communauté, et donc le succès du jeu.
Elles servent également, après la sortie d’un jeu, à l’équipe de développement pour prendre un peu de recul sur son travail. Combien de personnes ont terminé le jeu ? À quel moment précis se sont-elles arrêtées de jouer ? Pour un patch, un contenu additionnel, une suite ou un nouveau projet, ces enseignements peuvent s’avérer cruciaux. Ces données générales sont également utiles à très court terme : le suivi du jeu en temps réel est par exemple indispensable pour en assurer la maintenance. Un free-to-play dont les serveurs sont indisponibles pendant quelques heures se traduit nécessairement par des utilisateurs mécontents, en plus d’une perte sèche de revenus.
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Quel est le vrai enjeu de la collecte de données ?
Suivi, maintenance, communication, équilibre : on l’a vu, les enseignements tirés de la collecte de données sont multiples. Chaque studio peut piocher dans les informations qui lui semblent pertinentes, et agir en conséquence pour améliorer l’expérience globale de ses utilisateurs. Mais l’enjeu majeur, et la raison réelle de cette percée de la data qui marque l’évolution du jeu vidéo depuis une dizaine d’années, c’est évidemment la dimension financière. Comprendre – et maîtriser – les rouages de l’acquisition de nouveaux joueurs, maximiser la rétention de l’existant et motiver l’acte d’achat sont des enjeux clés, voire la raison d’être de certains projets.
L’objectif est de vous inciter, parfois très finement, à passer à la caisse pour une micro transaction qui va accélérer votre évolution dans le jeu, ou à regarder une publicité pour glaner quelques précieuses ressources. Ces call to action ont bien souvent bénéficié d’un soin tout particulier. Toutes les informations collectées par les studios servent à gommer ce bouton mal placé, cette notification de la mauvaise couleur ou ce défi pas assez relevé. Les usagers aident directement, en jouant, un développeur à doser l’agressivité de ces incitations permanentes. Ce sont vos données qui façonnent le futur de votre expérience de jeu.
Diktat de la data : quel avenir pour le jeu vidéo ?
Dans le meilleur des mondes, la collecte et l’analyse de données sert les joueurs et joueuses, puisqu’elle contribue à améliorer leur expérience globale de jeu. Les studios peuvent se nourrir des datas pour créer ; le tangible et le créatif n’ont pas nécessairement à être en opposition. Dans la réalité, des frictions se font bien souvent sentir entre les différents services, les Game Designers voyant parfois d’un mauvais œil l’intrusion des Data Analysts dans leur champ d’action. Tout dépend de l’interprétation qui est faite des masses d’informations collectées, et de l’étroitesse de la collaboration entre les deux professions : comme toujours, la communication permet à chacun d’appréhender les problématiques de l’autre, sans cynisme.
Reste que d’un pur point de vue philosophique, les données tangibles parlent un langage propre au monde financier. Habitué à jongler avec les chiffres et les tableaux Excel, un exécutif sera plus enclin à suivre la lumière prodiguée par un influx de données que la seule inspiration d’un créatif, fusse-t-il payé très cher pour ces inspirations. Davantage qu’un art, le jeu vidéo est une industrie dont on mesure trop souvent l’importance et l’influence au regard de ses plus grands succès. La perspective de minimiser l’intervention humaine – et donc l’erreur, de manipulation ou de jugement – par le biais d’une interprétation froide apparaît comme particulièrement séduisante, surtout si l’on est chef d’entreprise ou investisseur. On écoute plus volontiers ce que l’on connaît.
Par le passé, la créativité était surtout bornée par les contraintes techniques. En 1990, les composantes d’un jeu – ses graphismes, sa musique, son contenu – dépendaient exclusivement de la maestria avec laquelle le développeur parvenait à optimiser son code. Aujourd’hui, alors que presque toutes les digues technologiques ont sauté, la data semble s’imposer comme le nouveau cadre limitant. La créativité doit s’exprimer en son sein, comme tenue en laisse par ce dénominateur commun entre deux types de personnalités – les créatifs et les décisionnaires – qui ont souvent bien du mal à communiquer entre elles.
D’un côté, le Game Designer se doit d’accepter l’aide providentielle apportée par ces informations précieuses, surtout si elles sont filtrées et interprétées avec soin. De l’autre, les parangons du tout data doivent apprendre à accepter l’intuition, tolérer l’imperfection. Dans un jeu vidéo, tout ne peut pas être parfaitement calibré. Ce sont les joueurs et joueuses qui décident, in fine, de rester dans les schémas tracés pour eux ou de s’en soustraire pour s’approprier l’espace.
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