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Guide du Jeu Vidéo

Qui est Zynga, l’éditeur qui a changé notre rapport aux jeux vidéo ?

Zynga est de ces éditeurs de jeux vidéo dont on parle davantage dans la presse économique que spécialisée. Il faut dire que les FarmVille, Mafia Wars et autres jeux de poker attisent peu la curiosité des mordus de FPS et de MMORPG. Depuis sa création en 2007, l’éditeur américain cible pourtant les millions de joueurs et joueuses occasionnels qui souhaitent s’occuper distraitement le temps d’un trajet de métro, dans la salle d’attente du dentiste ou sur le canapé après une journée de boulot. Une population qui génère chaque année plus de la moitié du chiffre d’affaires de l’industrie du jeu vidéo dans son ensemble.
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Passion entreprenariat

Une fois n’est pas coutume : Mark Pincus, qui a fondé Zynga en 2007, n’est pas ingénieur en informatique passionné par la programmation depuis sa plus tendre enfance. Diplômé en économie, il commence sa carrière dans la finance. « J’ai eu beaucoup de carrières avant de devenir entrepreneur » déclare-t-il lors d’une conférence, à Berkeley en 2009. Après plusieurs échecs, il retourne sur les bancs de la fac – et pas n’importe laquelle, puisqu’il opte pour Harvard – pour valider un MBA (Master of Business Administration) et se lancer dans l’entreprenariat.

Mark Pincus, de la finance à l’entreprenariat

Mark Pincus, de la finance à l’entreprenariat

Tout de suite intéressé par le numérique, qui émerge au milieu des années 90, il crée sa première startup. Après seulement sept mois d’activité, Freeloader Inc. est revendu pour 38 millions de dollars. Pincus fait alors partie de la première vague des entrepreneurs web à succès : basé à Chicago, il déménage à San Francisco et enchaîne sur deux autres projets. Le succès est toujours là avec Support.com, logiciel leader dans l’automatisation des services d’assistance dont l’entrée en bourse avoisine les 1,5 milliard de dollars de valorisation. 

MySpace, premier réseau social à succès, et son look très 2000

MySpace, premier réseau social à succès, et son look très 2000

Après s’être cassé les dents à l’éclatement de la bulle internet au début des années 2000, il embraye avec Tribe.net : il s’agit de l’un des premiers réseaux sociaux. On est en 2003, MySpace s’apprête à voir le jour et Mark Zuckerberg est encore en train de coder une application permettant aux étudiants de noter le physique de leurs pairs… Le public n’est pas encore prêt et le projet tourne court, mais il permet à Pincus d’entrevoir le potentiel de la dimension sociale sur internet. Entre-temps, il a investi une partie de son pécule dans de petites boîtes qui montent comme Napster, Facebook, Snapchat, Xiaomi ou Twitter. En affaires, Mark Pincus a du nez.

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Le jeu vidéo social, une hérésie pour l’époque

Et le jeu vidéo dans tout ça ? Il est plutôt loin pour l’entrepreneur, qui lance une nouvelle boîte tournée vers la publicité. Nouvel échec, mais le timing est idéal : Facebook Platform voit le jour en mai 2007. Afin de battre MySpace, Mark Zuckerberg invite les entreprises du web à développer facilement des programmes pour son réseau social. Tandis que ses concurrents se contentent de petites fonctionnalités sociales légères, Presidio Media – fondée par Pincus et sept autres personnes – voit plus loin.

Rapidement renommée Zynga, du nom du bulldog de Pincus, l’entreprise entend matérialiser le rêve naïf d’un web tourné vers les interactions entre les individus. Le jeu est donc un choix de raison, d’autant que la variante Texas Hold’em du Poker connaît un regain d’intérêt à cette époque. Sobrement intitulé Texas Hold ‘Em Poker, le premier jeu de Zynga sur Facebook devient immédiatement un grand succès. Il est conçu par Justin Waldron, un petit génie du développement qui n’a pas hésité à quitter ses études à 19 ans pour cofonder Zynga. « J’ai toujours dit que les jeux sociaux sont comme une bonne soirée cocktail. Vous êtes d’abord heureux de voir vos amis, mais la vraie valeur réside dans les relations mineures. Ce sont les gens que vous n’auriez jamais pensé rencontrer : les amis de vos amis » déclare Pincus en 2009.

Jeu éminemment social, le poker est logiquement derrière le premier succès de Zynga

Jeu éminemment social, le poker est logiquement derrière le premier succès de Zynga

L’entreprise est bénéficiaire alors même que la monétisation s’effectue uniquement par le biais d’affichage publicitaire. Les mois qui suivent voient les équipes de Zynga trouver de nouvelles manières de gagner de l’argent : la possibilité pour les joueurs et joueuses de gagner des jetons en participant à diverses opérations commerciales de partenaires en est une. « J’ai fait toutes les choses horribles possibles pour multiplier les revenus immédiatement » ira même jusqu’à déclarer le patron de Zynga lors de son talk à Berkeley. Si Facebook est le parangon du Web 2.0, Zynga devient rapidement l’un de ses plus puissants bras armés.

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Le gratuit vaut des millions

Près de 700 000 dollars de recettes en 2007 : cela peut paraître beaucoup pour une première année. Mais Pincus voit plus grand pour Zynga. Grâce à ses connexions dans la finance, il lève début 2018 pas moins de 10 millions de dollars auprès de plusieurs fonds d’investissement. Puis 29 millions supplémentaires quelques mois plus tard. Désormais intimement lié à Facebook, Zynga doit en adopter les codes : le réseau social change régulièrement son fonctionnement et ses règles, forçant ses partenaires à réagir vite pour ne pas perdre leur précieuse audience.

Seule l’itération rapide permet de nourrir ses ambitions de croissance multiple : la portée de ses jeux, la rétention des utilisateurs et les revenus. Grâce aux données clients allègrement collectées à chaque connexion, Zynga doit agir vite pour être en mesure de toujours répondre à la demande, qui évolue rapidement à l’époque. Un développement « organique » qui pousse Pincus et ses équipes à revoir chaque processus tous les 90 jours environ. Ce rythme écrasant a raison des plus faibles : on se débarrasse sans état d’âme des projets et des salariés les moins performants. Un jeu de rôle coûte 3 millions à développer mais ne soulève que peu d’enthousiasme ? Pincus en stoppe l’exploitation immédiatement, sans aucun remords. Le succès est à ce prix.

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La culture de Zynga en 2010

En 2008, les revenus explosent. 19,4 millions de chiffre d’affaires pour l’éditeur, qui perd tout de même 22,1 millions de dollars en parallèle. L’arrivée de Bing Gordon, ancien d’Electronic Arts attiré par le projet, change la donne pour Zynga : son savoir-faire et ses connexions avec le milieu du jeu vidéo traditionnel, combinés à la vision de Mark Pincus qui souhaite mélanger le web, le jeu et les interactions sociales, offrent de nouvelles perspectives alléchantes. Le modèle gratuit est largement déconsidéré à l’époque : Zynga en fera son cheval de bataille. « Je crois fermement que le ‘social gaming’ est un nouveau médium » confiera celui qui se sert de sa méconnaissance du jeu vidéo comme d’une force.

 

Une ascension fulgurante

En 2009, Zynga passe la seconde. L’éditeur sort coup sur coup deux titres qui vont asseoir son succès : Mafia Wars en avril puis FarmVille en juin, suite au rachat du studio MyMiniLife qui opère le jeu de gestion grand public. 10 millions de comptes actifs au quotidien en six semaines, 80 millions de compte au total l’année suivante : les mécaniques addictives de FarmVille font recette auprès d’un public peu ou pas ciblé par le jeu vidéo traditionnel, sauf peut-être par Nintendo qui connaît à cette époque les dernières grandes heures de sa Wii.

Un peu de couleur, des semances bien organisées : FarmVille joue sur le pouvoir de la satisfaction.

Un peu de couleur, des semances bien organisées : FarmVille joue sur le pouvoir de la satisfaction.

Fin 2010, CityVille vient répliquer le succès de FarmVille avec une recette sensiblement similaire : 100 000 comptes actifs au lancement – un record pour l’éditeur – et 61 millions d’utilisateurs mensuels actifs en 50 jours. C’est tout simplement le record de Facebook toutes applications confondues. Les deux entreprises s’entendent à merveille et reconduisent leur partenariat pour cinq années supplémentaires. L’éditeur s’engage à utiliser les Facebook Credits, une monnaie virtuelle qui permet avant tout à Facebook de prendre une partie des revenus générés par les jeux mis en avant sur sa plateforme.

Suite à une nouvelle levée de fonds de 490 millions de dollars en février 2011 – soit 845 millions récoltés en quatre ans – Zynga prépare son entrée en bourse. L’entreprise met en vente 100 millions d’actions à 10 dollars, et malgré un succès relatif lors de son introduction, l’opération valorise l’entreprise à hauteur de 7 milliards de dollars, juste devant l’illustre Electronic Arts (6,9 milliards à l’époque). Cet argent liquide tout frais donne des idées de grandeur à Mark Pincus, qui voit tout de même Rovio (Angry Birds) repousser son offre de rachat fin 2011, pour une somme de 2,25 milliards tout de même. Les dirigeants de l’entreprise finlandaise accepteront 12 ans plus tard une offre de SEGA, à hauteur de 700 millions de dollars. L’oiseau a de quoi être un peu en colère.

Cure d’austérité à ZyngaVille

Si l’action ne décolle pas, c’est en partie parce que les investisseurs doutent du potentiel de croissance de Zynga, dont les liens jugés trop étroits avec Facebook effraient quelque peu le marché. Dès octobre 2011, l’éditeur crée sa propre plateforme de jeu, conscient qu’un revirement soudain de son partenaire, qui lui doit jusqu’à 19 % de ses revenus en 2011, mettrait une fin prématurée à l’idylle. Mais pourquoi le réseau social se priverait d’une si grande part de sa rente ?

Le réseau social maison de Zynga, dédié au jeu, est un échec

Le réseau social maison de Zynga, dédié au jeu, est un échec

« Beaucoup de nos utilisateurs aiment jouer à des jeux, mais beaucoup d’autres détestent ça. Cela représente un grand défi. » déclarait déjà Mark Zuckerberg en 2010. Pour ne pas faire fuir une partie de son public, Facebook durcit donc les règles concernant la viralité des contenus qui circulent en son sein. Sorti fin 2012, CityVille 2 est arrêté moins de trois mois après son lancement faute de résultats satisfaisants. Le 31 mars 2013, le divorce est consommé : Zynga ne jouit plus de son partenariat privilégié avec le réseau social et doit se contenter de la politique standard de la plateforme pour faire son beurre. C’est un peu le « début de la fin » pour Zynga.

En un an, Zynga perd près de la moitié de sa base d’utilisateurs sur Facebook, et environ 400 millions de dollars de valorisation. Forte de plus de 2000 salariés suite à son entrée en bourse, l’entreprise se sépare de 520 salariés en juin 2013 et ferme plusieurs de ses bureaux américains. Le tristement célèbre Don Mattrick, débarqué de Microsoft suite à sa gestion catastrophique de la communication autour de la Xbox One, est appelé à la rescousse. Il remplace Pincus à la tête de Zynga, mais sa connaissance de l’industrie canonique ne fait pas de miracle : 314 personnes sont licenciées en 2014.

Le smartphone à la rescousse

Pour redorer des bilans financiers décevants et infléchir la chute inexorable de ses utilisateurs actifs, Zynga recrute en haut de sa hiérarchie. Alex Garden, passé par Xbox et Nexon après avoir fondé Relic Entertainment, prend au printemps 2014 la tête de l’ensemble des studios du groupe, qui sont près d’une quinzaine à l’époque répartis entre les États-Unis, l’Inde, l’Europe, la Chine et le Japon. Don Mattrick quitte l’entreprise en avril 2015 : Pincus assure l’intérim à la tête de Zynga jusqu’en mars 2016, et l’arrivée de Frank Gibeau en tant que CEO.

FarmVille 3 est plus joli, mais le concept reste identique : gérer des ressources pour développer une jolie ferme

FarmVille 3 est plus joli, mais le concept reste identique : gérer des ressources pour développer une jolie ferme

Auparavant à la tête de la division mobile d’Electronic Arts, Gibeau aide Zynga à compenser le modèle déclinant des réseaux sociaux par celui toujours plus florissant du jeu sur smartphone. Tandis que Facebook rabote encore le partage de revenus publicitaires et que sa plateforme maison peine à décoller, Zynga se rattrape largement sur smartphone avec une production pléthorique qui fait peu à peu recette. En 2021, Zynga est derrière pas moins de 236 jeux sur iOS et 181 sur Android. L’année suivante, pas moins de 209 millions de personnes se connectent au moins une fois par mois sur l’un des jeux du catalogue de l’éditeur. 

Un rachat historique et logique

En janvier 2022, Zynga est redevenue une entreprise attractive. Comme l’ensemble des médias web, l’entreprise a encaissé durement la baisse intensive des revenus publicitaires, très encadrés par Facebook et Google. Seul 20 % de son chiffre d’affaires provient de cette manne, contre 80 % pour les microtransactions, boostées par de multiples partenariats avec des marques et personnalités qui font des apparitions régulières dans ses productions (Lady Gaga, les cosmétiques Maybelline, le spécialiste du jouet Hasbro…). Présent dans plus de 175 pays dans le monde, les titres du catalogue de Zynga ont été téléchargés plus de 4 milliards de fois.

Désireux de se diversifier dans un marché toujours plus concurrentiel, Take-Two Interactive entreprend de faire main-basse sur Zynga. L’éditeur de Grand Theft Auto met 12,7 milliards de dollars sur la table en mai 2022. Une somme que l’on n’avait pas vu à l’époque depuis la fusion entre Activision et Blizzard, dix ans auparavant. On apprendra plus tard que Microsoft avait, un temps seulement, considéré lui aussi l’acquisition : Phil Spencer souhaitait « quelque chose d’encore plus gros » que l’éditeur de FarmVille. Une ambition matérialisée un an plus tard avec le rachat d’Activision-Blizzard-King : le dernier nom du triumvirat est en effet, à l’époque, le plus gros éditeur mondial sur mobile si l’on exclut la Chine de l’équation. Une facture estimée à 68,7 milliards de dollars tout de même.

Conclusion

Avoir un seul client est un gros risque pour une entreprise. L’histoire de Zynga démontre que disposer d’un seul partenaire est tout aussi dangereux : le moindre changement de direction peut se payer cher. Si elle n’est pas tendre avec les salariés, la politique « quick & dirty » a sans doute permis à Zynga de rebondir après ses déboires avec Facebook. Grâce au mobile, l’éditeur est parvenu à retrouver la croissance que son fondateur Mark Pincus désire tant, jusqu’à un rachat à la hauteur de sa vision démesurée. Et tant pis si la créativité est remisée au placard : les cordons de la bourse ne sont pas tenus par des amoureux de l’histoire de l’art.

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FAQ

Qui possède Zynga ?
Depuis le 23 mai 2022, Zynga appartient entièrement à Take Two Interactive. L’éditeur de Grand Theft Auto a mis 12,7 milliards de dollars sur la table pour faire l’acquisition du géant des jeux sociaux. Cela correspond à 4,5 fois environ le chiffre d’affaires réalisé par Zynga en 2021. En novembre 2015, Activision Blizzard avait fait l’acquisition de King, leader du secteur en Occident grâce à la licence Candy Crush, pour 5,9 milliards de dollars.
Quelles sont les principales licences de Zynga ?
FarmVille et Zynga Poker sont historiquement les deux licences les plus populaires de Zynga. Words with Friends, une version du Scrabble en ligne sur smartphone, est également l’un de ses plus gros succès. Ses partenariats avec d’autres grandes marques, comme Harry Potter ou Game of Thrones, lui assurent également une excellente rente sur mobile.
Combien les jeux Zynga comptent-ils de joueurs et de joueuses sur mobile ?
En 2022, Zynga comptait 209 millions d’utilisateurs mensuels actifs sur l’ensemble de son catalogue de jeux mobile. Cela correspond à 27 % d’augmentation de son total de l’année précédente. Chaque jour, 40 millions de personnes se connectent sur l’un des jeux de l’éditeur américain. 
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