NetEase : l’autre géant chinois qui se tourne vers l’occident
Un mini-GAFA à la chinoise
Fondé en 1997 par l’ingénieur Lei ‘William’ Ding, NetEase connaît son premier succès en développant son propre moteur de recherche. Alors que les portails surchargés du début des années 2000 – Yahoo, AOL, MSN – font long feu en occident, ils constituent pendant longtemps la principale porte d’entrée du peuple chinois vers le numérique, particulièrement contrôlé par les autorités. Celui de NetEase, 163.com, a longtemps été l’un des plus populaires du pays grâce aux nombreux services qu’il propose : actualités, email (940 millions d’utilisateurs en 2017), jeux en ligne, dictionnaire, e-commerce ou encore bulletin météo font du portail l’un des 30 sites les plus visités de la planète en 2010.
L’histoire de NetEase peut largement être mise en parallèle avec celle de Tencent, puisque ses revenus proviennent aussi principalement de la publicité à l’orée des années 2000. Les deux géants ont depuis diversifié leurs sources de revenus, par le commerce ou les jeux vidéo et, moins banal concernant NetEase, l’élevage porcin. NetEase se tourne dès 2001 vers l’édition de jeux, au point d’en faire l’une de ses grandes priorités vingt ans plus tard. Entre le moteur de recherche Baidu, le site de vente en ligne Alibaba et les nombreux outils de communication de Tencent, NetEase a en effet choisi de se tourner principalement vers le gaming (près de 80% de son CA) pour tirer son épingle du jeu. Pas suffisant néanmoins pour imposer son initiale dans l’acronyme BATX (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi), qui désigne les GAFAM chinois.
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Deux jeux en quinze ans
D’abord tourné vers de petits jeux en ligne, NetEase fait le grand saut du développement de jeux vidéo en 2001 avec Fantasy Westward Journey, avant d’enchaîner l’année suivante avec Westward Journey Online II. Les deux MMORPG partagent le même moteur et le même univers, largement inspiré par un roman chinois du XVIème siècle, mais offrent des styles graphiques et des mécaniques suffisamment différentes pour connaître un succès immense chacun de leur côté. Plus polémique que son aîné, le second ne ferme pas la porte de la nudité et des propos anti-religieux, ce qui lui vaudra plusieurs censures et fermetures temporaires en dépit d’un succès public retentissant.
Les chiffres donnent le tournis : on parle de pas moins de 400 millions de comptes en 2015, de 6,5 milliards de dollars engrangés entre 2001 et 2019 pour les deux titres et d’un pic à 2,3 millions d’utilisateurs connectés simultanément en 2008 pour Fantasy Westward Journey. Grâce aux profits engrangés avec ses MMO, NetEase n’aura tout simplement pas besoin de sortir d’autres jeux avant 2015. Une éternité dans l’industrie, qui s’explique par les spécificités du territoire chinois. Consoles étrangères bannies, prédominance de PC aux caractéristiques techniques limitées, passion chinoise pour les jeux en ligne gratuits sans hostilité particulière aux microtransactions : Netease profite grâce à cela d’une manne financière gigantesque, qui lui permet d’aborder sereinement le tournant mobile qui s’annonce au début des années 2010.
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Un virage mobile parfaitement négocié
Si le peuple chinois met un peu de temps avant de saisir l’intérêt du smartphone, l’explosion est fulgurante et NetEase sait en profiter. Le succès est une nouvelle fois au rendez-vous pour les adaptations de ses deux titres emblématiques, qui seront cette fois suivis de nouvelles productions développées en interne. Jeu d’horreur multijoueur, battle royale, cartes à collectionner et bien sûr MMO, la firme chinoise exploite toutes les tendances et flirte parfois avec le plagiat, en jonglant à chaque fois entre les supports mobiles et PC pour maximiser ses chances de succès.
Certains titres s’exportent en dehors de son sol, d’autres non : NetEase ne succombe pas aux sirènes du systématisme et traite ses projets au cas par cas, conscient des nombreuses différences entre les publics chinois, japonais et occidentaux.
Avant même de nourrir une quelconque ambition internationale, c’est l’Amérique qui vient à NetEase par l’intermédiaire de Blizzard, qui cherche dès 2008 un partenaire fiable pour distribuer ses jeux sur le sol chinois. Starcraft II, World of Warcraft, Diablo 3, Hearthstone, Heroes of the Storm et Overwatch seront ainsi distribués par la firme sur son sol. Les deux entités collaboreront même plus étroitement encore avec le développement conjoint de Diablo Immortal, dont le succès est indéniable malgré un modèle économique largement critiqué à sa sortie en juin 2022.
Une porte d’entrée vers la Chine
Ce partenariat d’envergure, qui s’arrêtera en 2023 faute d’un accord pour le renouveler, aide la société à prendre conscience de nouveaux enjeux économiques, elle qui est déjà fondamentalement en phase avec une mondialisation enfin acceptée au niveau politique. C’est dans cette optique qu’elle ouvre sa première succursale américaine, dès 2014. Afin de pousser plus avant ses intérêts hors de ses frontières, William Ding profite d’un pied à terre idéal pour se faire de nouveaux amis. Minecraft, Harry Potter, Le Seigneur des Anneaux ou encore Eve Online profiteront également de l’assise du géant chinois pour investir un pays d’habitude hermétique aux propriétés intellectuelles étrangères. NetEase peut même s’occuper d’adapter les jeux, voire de développer de nouveaux titres tirant parti de ces licences spécifiquement pour le marché chinois.
Même s’il y trouve largement son compte, NetEase ne peut décemment pas se contenter de ce rôle de passe-plat,. Tout comme ses partenaires, il entend bien toucher les quelques milliards de personnes qui vivent hors des frontières de l’Empire du Milieu. Commence en 2015 une stratégie d’ouverture menée avec discernement. D’abord, Netease arrose les développeurs occidentaux de jeux mobile free to play pour consolider sa présence internationale balbutiante. Le processus s’accélère en 2018, avec pas moins de 100 millions de dollars consentis à Bungie (Destiny) contre une place au comité de direction.
Un investissement qui vise sans doute à mieux comprendre les processus de décision occidentaux, mais également à s’ouvrir l’accès à une propriété intellectuelle particulièrement populaire en Europe et aux États-Unis. Les choses s’accélèrent avec le rachat du studio japonais Grasshopper Manufacture (No More Heroes) en 2021, puis le débauchage du sémillant Toshihiro Nagoshi, chez SEGA depuis près de 30 ans. Le papa de la franchise Yakuza fonde un nouveau studio, au travail sur un jeu console AAA depuis le début de l’année 2022. NetEase sort par ce biais de sa stratégie du tout mobile, qui trouve ses limites hors de Chine.
Une volonté d’ouverture qui se concrétise
La société place également 120 millions de dollars chez Kepler Interactive, un collectif international de studios indépendants – dont les français Awaceb et Sloclap – désireux de rebattre les cartes de l’édition de jeux. Mais c’est surtout le rachat total du studio parisien Quantic Dream, dans lequel il a déjà investi par le passé, qui fait parler chez nous. Le développeur de Heavy Rain et Detroit: Become Human s’est récemment vu confier un projet Star Wars par Disney, ce qui permet à NetEase d’accéder à l’un des saints Graals de la propriété intellectuelle en plus de s’adjuger les compétences d’une structure reconnue.
NetEase s’est entre-temps implanté au Canada avec l’ouverture d’un studio, qui collabore au jeu d’action multijoueur Naraka: Bladepoint. Le succès est mesuré mais encourageant, et c’est dans l’optique de poursuivre ses efforts pour séduire le public occidental que la société chinoise recrute le directeur créatif de Watch Dogs, Jonathan Morin, pour travailler sur un nouveau titre. NetEase a placé suffisamment de billes aux quatre coins de l’industrie du jeu vidéo pour s’offrir de séduisantes perspectives. Dans le même temps, les règles se durcissent sur son sol. De nouvelles restrictions du gouvernement en matière de temps de jeu pour les plus jeunes apparaissent, et la validation de nouveaux titres est gelée pendant une longue période. Alors que la pandémie de Covid-19 a incité les ménages chinois à plus de précautions quant à leurs dépenses, les chiffres mirobolants de l’activité jeux vidéo de NetEase commencent à montrer quelques signes de faiblesses au niveau domestique. C’est dans le reste du monde que NetEase doit trouver de nouveaux leviers de croissance.
Des ambitions plus mesurées, mais mieux ciblées ?
Au travers de ses nombreux partenariats et investissements, NetEase n’a eu de cesse d’étendre son influence internationale dans le domaine du jeu vidéo. Moins dispendieuse que son concurrent Tencent, la firme chinoise semble également tisser une ligne un peu plus claire, basée avant tout sur les savoir-faire et les grosses licences : son objectif a d’abord été de comprendre le marché extérieur avant de le viser. Conscient qu’une simple stratégie transnationale conduirait à l’échec, NetEase semble plus enclin à faire jaillir des synergies qu’à exercer un contrôle strict sur ses avoirs. Une stratégie qui peut s’avérer payante sur le long terme, même si l’affaissement relatif de sa croissance en Chine pourrait rapidement l’inciter à adopter une attitude plus agressive.
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