L’histoire de Konami : le jeu vidéo, mais pas que…
La musique dans la peau
L’histoire commence le 21 mars 1969 : un certain Kagemasa Kōzuki lance une petite boîte de réparation et de location de jukebox, cette grosse machine pour jouer de la musique (un peu l’ancêtre de Spotify avant Internet). L’affaire, située dans la grande bourgade tranquille de Toyonaka de la préfecture d’Osaka, tourne bien et se diversifie rapidement dans les jeux d’arcade. En 1973, Kōzuki s’associe pour créer Konami, contraction de la première syllabe des noms de famille des différents associés. Il leur faudra 5 ans pour créer leurs premières machines de jeu, destinées au marché local mais également pensées pour l’export.
Block Game et surtout Space King, un clone du célèbre Space Invaders de Taito, lancent donc la carrière de Konami dans le jeu vidéo en 1978. Des dizaines de jeux suivront, les premiers succès ne se faisant pas attendre : Scramble en 1980 (premier jeu en scrolling horizontal avec un décor sur plusieurs plans), Frogger et Super Cobra en 1981, Track & Field en 1983 ou encore Gradius en 1985 font connaître Konami à l’international, notamment aux États-Unis où ses nombreux partenaires de distribution tirent largement profit de la qualité des titres proposés. Quelques jeux voient le jour sur Atari 2600 en Amérique du Nord, avant que la maison mère japonaise ne se saisisse pleinement de ce nouveau terrain de chasse que représentent les consoles et ordinateurs personnels : Konami s’intéresse notamment de très près au MSX, un standard japonais de micro informatique qui permet à de nombreux fabricants – Canon, Casio, Panasonic, Sony, Toshiba… – d’élaborer leurs propres machines.
Entre l’arcade, la micro informatique et les consoles (la NES de Nintendo arrive en 1983), Konami multiplie les jeux de qualité qui lui construisent un catalogue de licences impressionnant dans les années 80 : Castlevania, Ganbare Goemon, Contra ou encore Metal Gear, d’un jeune créateur prometteur fraîchement débarqué chez Konami en 1986, Hideo Kojima. Dopé par le succès international de l’adaptation arcade de TMNT, Teenage Mutant Hero Turtles, le chiffre d’affaires de l’entreprise explose. De 10 millions de dollars en 1987, il culmine à 300 millions quatre ans plus tard. Patriote, Konami soutient les constructeurs de consoles nippons : la Super NES de Nintendo, le PC Engine de NEC ou encore la Mega Drive de SEGA auront droit à leurs lots de jeux, tirés du catalogue de l’éditeur ou de ses divers partenariats (TMNT, Asterix, X-Men, G.I. Joe…). Le medal game Mario Roulette verra par exemple le jour en 1991, uniquement au Japon, scellant ainsi la relation privilégiée qu’entretiendront Big N et Konami tout au long des années 90.
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Les 90’s, un âge d’or en deux temps
Le succès des jeux sur les consoles 16 bits cimente l’assise de l’éditeur japonais, désormais installé à Tokyo pour mieux centraliser ses opérations domestiques et internationales, principalement établies aux États-Unis et en Europe. Fait amusant : l’éditeur a dû créer des filiales pour contourner les restrictions de Nintendo of America, mises en place dans le but d’éviter la surabondance de titres médiocres, et donc une nouvelle crise. Jusqu’en 1992, il est par exemple interdit de publier plus de 5 titres par an sur une console de Big N ; Konami lance donc Ultra Software (US) et Palcom Software (Europe) pour augmenter son « crédit » d’édition !
Principalement conduite par la créativité de ses équipes dédiées à l’arcade et parfaitement soutenue par des studios très à l’aise pour porter les nouveaux titres sur console, la créativité qui fait la marque de fabrique de Konami s’essouffle. Tout comme l’intérêt du public, qui commence à se lasser de la surexploitation de licences et des suites sans âme dont les mêmes principes sont recrachés ad nauseam, après un simple reskin graphique. Pour retrouver un peu d’allant, Konami mise sur deux chevaux différents : les équipements novateurs en arcade et la nouvelle console 32 bits de Sony. Préférée à la Nintendo 64, qui exige des coûts de développement élevés en plus des habituelles restrictions contraignantes du constructeur, la PlayStation permet à Konami de se faire la main sur la technologie 3D.
Dans les salles d’arcade enfumées, il faudra attendre 1998 pour voir débarquer des bornes aux concepts novateurs, comme Fisherman’s Bait et son moulinet de canne à pêche ou encore Hip Hop Mania, avec sa rutilante platine à faire tourner comme un véritable DJ. Idem sur PlayStation : malgré quelques coups d’éclat, comme les RPG Suikoden et Vandal Hearts, il faut attendre la fin du siècle pour assister à la seconde révolution Konami : avec le jeu d’infiltration très narratif Metal Gear Solid en 1998 et le survival horror dérangeant Silent Hill l’année suivante, l’éditeur japonais replace son nom sur la carte des acteurs qui comptent.
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De la musique, des cartes et du foot
Cette renaissance créative s’accompagne de nouvelles orientations notables. D’abord, Konami lance une gamme de jeux musicaux à succès en 1997 : regroupés dans la division Bemani, les Beatmania, Dance Dance Revolution, Pop’n Music et autres Guitar Freak (ancêtre de Guitar Hero) lui donnent un véritable coup de fouet marketing, qui ruisselle ensuite sur consoles. Les bornes sont belles et intrigantes, le gameplay vif et nerveux : le succès est immédiat au Japon, où l’on enfourne les pièces de 100 yens par paquets pour parfaire sa maîtrise des playlists énergiques proposées par chacun de ces titres.
La même année, l’éditeur se lance également dans les jeux de cartes à collectionner avec Yu-Gi-Oh!, tiré du shōnen manga éponyme et concurrent direct de Pokemon. Là aussi, le succès est au rendez-vous, avec plus de 22 milliards de cartes vendues en 10 ans qui lui valent une mention dans le Livre Guinness des Records. Konami n’a jamais peur quand il s’agit de diversifier son portefeuille d’activités, comme on aura l’occasion d’en reparler par la suite, et l’éditeur signe un véritable coup de maître avec ce partenariat qui transcende les frontières du matériau d’origine.
Enfin s’amorce un autre changement de poids : après des années de sympathiques jeux de football orientés arcade, regroupés sous la licence ISS, Konami change peu à peu d’axe à la fin des années 90 après plusieurs jeux lorgnant du côté de la simulation, avant de franchir définitivement le pas en 2001 avec Pro Evolution Soccer (Winning Eleven 5 au Japon). Konami fait alors trembler Electronic Arts et son mastodonte FIFA, qui devront attendre la génération suivante pour reprendre (définitivement) le dessus. Comme nombre de studios japonais, Konami met du temps à maîtriser le développement des jeux en haute définition, notamment sur une PlayStation 3 au processeur Cell compliqué à dompter.
Mêmes causes, mêmes conséquences
D’autant que Konami retombe dans ses travers : comme dix ans auparavant, l’éditeur peine à capitaliser sur ses actifs et connaît un nouveau passage à vide créatif à la fin des années 2000. Enfin conscient de la mondialisation des enjeux, il confie certaines de ses prestigieuses licences à des studios occidentaux, parfois avec un certain succès – Castlevania Lords of Shadows des espagnols de Mercury Steam est excellent – et parfois moins (Silent Hill Homecoming et Downpour déçoivent). Les ambitions internationales de Konami font long feu, poussant l’éditeur à se recentrer sur des productions de moindre envergure qui visent principalement son marché domestique.
Pour la génération suivante (PS4/Xbox One), la production devient famélique sur consoles, tandis que le monde de l’arcade n’en finit plus de péricliter. Seulement deux jeux par an en moyenne, en dehors de quelques compilations de vieilles gloires à moindre frais. 2015 marque un tournant pour Konami, déjà largement critiqué en interne pour sa trop grande rigueur à l’égard de ses employés : avec le retrait de la démo de P.T, le survival-horror signé Hideo Kojima et Guillermo Del Toro censé relancer la licence Silent Hill, Konami prend ses distances avec son créatif star, qui jouissait jusqu’alors d’un blanc-seing grâce à la popularité de ses Metal Gear Solid. En plus du célèbre game designer et de ses équipes de développement, l’éditeur se met également les joueurs et les joueuses du monde entier à dos.
Peu de titres, des projets chers qui déçoivent ou ne voient tout simplement pas le jour… comment maintenir ses comptes dans le vert dans des conditions aussi particulières ? Il y a le succès continu des cartes Yu-Gi-Oh! bien sûr, mais c’est surtout ailleurs que Konami va chercher sa croissance. Un nouvel état d’esprit a été insufflé dans l’entreprise au début des années 2010, quand Konami investit sur le jeu mobile : les coûts de développement très modérés et les promesses de gains immenses se concrétisent avec Dragon Collection, un jeu de collection de cartes disponible sur le portail social GREE, particulièrement populaire au Japon. Le succès est tel que la licence sera adaptée en manga, en vrai jeu de cartes à collectionner ainsi qu’en anime. D’autres succès comparables suivront, comme PES Club Manager ou Yu‐Gi‐Oh! Duel Links.
Tout, sauf des jeux AAA
Dès lors, Konami n’aura de cesse d’expérimenter en dehors du jeu vidéo à gros budget, quitte à exploiter sans vergogne ses licences prestigieuses : le patchinko Castlevania, au sous-titre évocateur Erotic Violence, témoigne de ce nouvel état d’esprit. La stratégie s’avère payante d’un strict point de vue comptable : poussé par des métriques en hausse depuis près de sept ans, Konami intensifie sa présence sur mobile au détriment du reste. Des résultats financiers qui tendent à donner raison à Kagemasa Kōzuki, toujours à la tête du directoire à 83 ans, et à son top management.
Autre secteur important pour Konami, cette fois bien loin de la production de jeux ou de machines de divertissement : le sport. Dès 2001, Konami Holdings investit dans la santé avec une réussite certaine : salles de fitness, équipements, cours, formations, sponsoring d’athlètes et même franchisation. Ce nouveau domaine s’avère plutôt lucratif et témoigne une fois encore de la capacité de l’entreprise à s’implanter où on ne l’attend pas. Après les jukebox, les bornes d’arcade, les jeux sur console et les cartes à jouer, Konami s’improvise coach sportif.
Conclusion
Alors que l’on pensait le sort de nos licences fétiches réglé à tout jamais, Konami s’est réveillé en 2022 avec l’annonce de nouveaux projets Silent Hill, ainsi que du remake de Metal Gear Solid 3. L’éditeur japonais serait-il définitivement de retour dans le champ qui l’a fait connaître du grand public dans le monde entier ? S’il est (beaucoup) trop tôt pour l’affirmer, les nombreux changements d’axes – du juke-box au mobile en passant par l’arcade et les jeux sur consoles – de la structure au fil du temps laissent augurer de nouvelles orientations surprenantes à l’avenir. Un rachat est-il possible ? Ses licences ont de quoi faire saliver nombre de mastodontes argentés, mais le repli domestique de l’éditeur et son organisation complexe ont de quoi effrayer même les plus pourvus, en Amérique, en Europe ou en Arabie Saoudite.
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