L’histoire de Tomohiro Nishikado, le doyen des jeux vidéo

Tomohiro Nishikado développe dès son plus jeune âge une passion pour l’artisanat et la création. Au collège, il commence à s’intéresser à l’électronique et en fait même l’objet de ses études. Il décroche un diplôme d’ingénieur en 1967 à l’université de Tokyo.

Après l’obtention de son diplôme, il cherche désespérément un emploi, mais échoue à la phase de tests pour intégrer Sony. Il rejoint finalement une entreprise d’ingénierie audio avant de démissionner un an plus tard.

Tomohiro Nishikado intègre ensuite Taito, suite aux recommandations d’un ami en 1968. À l’époque, les entreprises japonaises imposent une période de formation où l’employé apprend diverses choses. La sienne a duré un an, ce qui est très long. Il voulait plusieurs fois démissionner, mais craignait de froisser son ami.

Il commence à travailler sur la technologie des jeux d’arcade électromécanique puisqu’il était le seul ingénieur à maîtriser les circuits intégrés et l’électronique à semi-conducteurs. Néanmoins, sa passion était tout autre : développer des jeux vidéo, ce qu’il va faire à partir de 1972.

Lorsque Tomohiro Nishikado rejoint Taito, les jeux étrangers dominaient le marché japonais. Pour le développeur, cela représentait une occasion de créer quelque chose d’original. Son premier jeu pour l’entreprise est Sky Fighter, un jeu de tir d’avion qui rencontre un véritable succès. Son gameplay était une révolution pour son époque. Contrairement aux grands studios d’aujourd’hui, Sky Fighter est une fabrication « artisanale ». Tomohiro Nishikado était le seul développeur à y travailler. Cela lui a pris six mois pour terminer le projet.

En 1972, Atari sort le jeu de tennis Pong, distribué au Japon par Sega. Taito achète également une machine bien qu’elle soit sceptique quant au succès du jeu. Pourtant, une fois installée dans l’un de ses magasins, la machine attire de nombreux joueurs.

Cette époque marque un tournant dans l’histoire de l’entreprise, puisqu’elle prévoit de créer ses propres jeux. Tomohiro Nishikado est assigné à cette nouvelle division, étant le seul ingénieur ayant des connaissances en circuits électriques.

À la même époque sort un autre jeu d’Atari, Breakout. Avec ce titre, les États-Unis dominent l’industrie naissante des jeux vidéo. Le développeur était impressionné par l’approche des créateurs de ce jeu. Il réalise qu’un jeu ne se résumait pas à des graphismes impressionnants. Il déclare dans plusieurs interviews qu’il puisait ses idées dans Breakout, qu’il s’agisse de gameplay ou de graphisme.

À l’origine, Tomohiro Nishikado voulait des chars d’assaut comme ennemi dans Space Invaders. Cependant, il ne trouvait pas les tirs de canons très esthétiques et envisageait de faire des avions. La technologie de l’époque ne permettait pas d’avoir des sprites fluides. C’est ainsi qu’il choisit également les extraterrestres, dont les mouvements ne seront pas perçus comme bizarres.

Le développeur avait le gameplay et le graphisme, mais il n’avait pas encore de nom. Il le baptise Space Monster. La direction change ensuite le deuxième mot en « Invader » en référence à La Guerre des mondes avant d’ajouter un « s » pour le marché étranger.

Les experts estiment qu’il s’est inspiré de Star Wars, la saga qui venait de marquer toute une génération. Tomohiro Nishikado affirme pourtant qu’il s’agit d’une simple coïncidence.

La programmation de Space Invaders n’a pris que trois à quatre mois à Tomohiro Nishikado. La période post-production a quant à lui duré six mois. À sa sortie, le jeu était le premier à utiliser un microprocesseur au Japon.

Seulement, la direction de Taito n’est pas très emballée par le jeu et ne s’attend pas à un succès. Pourtant, deux mois après la sortie, le PDG de l’entreprise déclare que Space Invaders « est en plein essor ».

Ce succès inattendu permet à Taito de produire 100 000 machines d’arcade pour le marché japonais. En 2007, l’entreprise déclare qu’elle a réalisé des profits d’environ 500 millions de dollars grâce à ce titre.

Malgré le succès planétaire de sa création, Tomohiro Nishikado reste un homme discret et peu médiatisé. Lui-même déclare dans une interview pour Le Monde qu’il n’avait pas prévu que son jeu allait changer l’industrie. Il ne prend conscience de son influence culturelle que des décennies plus tard.

À part quelques interviews à des magazines spécialisés au Japon et à l’étranger, il reste une figure de l’ombre. Selon lui, sa femme a mis des années à comprendre qu’il était l’auteur de ce jeu au succès mondial.

Quand Florent Gorges voulait sortir sa biographie en France, il affirmait que ce n’était pas « gênant » parce que c’était loin de son pays natal.

Tomohiro Nishikado a laissé son empreinte dans l’histoire des jeux vidéo grâce à ce jeu. Aujourd’hui, les bornes d’arcade Space Invaders sont devenues des objets de collections appréciés des fans nostalgiques.

Shigeru Miyamoto, une autre légende de l’industrie, affirme lui-même que ce jeu constitue une véritable révolution. Il avoue même s’être inspiré de Space Invaders.

Il y a un avant et après Space Invaders dans l’industrie des jeux vidéo japonais. L’avant est marqué par une domination américaine. L’après se caractérise par la multiplication des éditeurs japonais.

En dehors de Space Invaders, Tomohiro Nishikado est aussi le créateur des jeux comme :

• Sky Fighter I et II,
• Soccer,
• Davis Cup,
• TV Basketball,
• Speed Race,
• Western Gun,
• Interceptor.

Après une longue carrière chez Taito, Tomohiro Nishikado quitte l’entreprise pour fonder la sienne en 1996. Son studio, Dreams, est crédité dans plusieurs titres tels que Chase HQ : Secret Police et Dancing Cats. Il revient chez Taito à partir de 2013 pour occuper le poste de conseiller technique.