L’histoire de Game Freak, développeur de Pokémon, la franchise la plus lucrative de l’industrie des jeux vidéo

Game Freak se transforme en studio de développement en 1989 avec Tajiri aux commandes, entouré de deux autres amis : Sugimori et Masuda. L’équipe commence à travailler sur Pokémon à partir de 1990. En parallèle, le studio sort une demi-douzaine de jeux à la commande, à l’instar de Mendel Place.

Tajiri présente le concept de Pokémon aux dirigeants de Nintendo. Il souhaite profiter de la console Game Boy pour échanger des monstres. Nintendo ne comprend pas le gameplay, mais décide de faire confiance à Tajiri, grâce à ses expériences en tant que développeur.

Tout au long du développement, Game Freak a rencontré des problèmes financiers. Le studio n’avait pas les fonds nécessaires pour payer le salaire de ses développeurs. Tajiri a même sacrifié son salaire pour économiser de l’argent. Malgré les sacrifices de Tajiri, le studio manquait de ressources pour développer Pokémon Rouge et Bleu. C’est ainsi que Creatures Inc. devient investisseur et copropriétaire de la franchise.

À sa sortie en 1996, Pokémon connaît des ventes décevantes. Pour cause, son support, la Game Boy, est devenue une console passée de mode. D’après le magazine spécialisé Famitsu, les ventes démarrent à 110 000 copies avant de chuter à 6 000 à la troisième semaine. Néanmoins, le jeu profite d’un bouche-à-oreille impressionnant et arrive à clôturer l’année 1996 avec 1,66 million d’unités vendues. Il arrive même à enregistrer 4 millions de ventes l’année suivante.

Ce succès a scellé l’avenir de Game Freak. Le studio avait entre les mains un jeu qui faisait mieux en termes de vente que Super Mario Bros.

En presque 30 ans d’existence, la franchise enregistre des performances commerciales affolantes. Pour cela, Game Freak a préservé une formule gagnante : s’appuyer sur les bases du titre original avec davantage de créatures pour les titres récents. On ajoute à cela les graphismes 3D.

À son 25ᵉ anniversaire en 2021, la franchise se déclinant en plusieurs générations totalisait 368 millions d’exemplaires vendus à travers le monde. En 2022, elle en était à la neuvième génération avec Pokémon Écarlate et Violet. De son côté, le jeu mobile, Pokémon Go, a généré 5 milliards de dollars de revenus, cinq ans seulement après son lancement en 2016.

Si l’on additionne ces chiffres, Pokémon a généré près de 100 milliards de dollars de revenu depuis le lancement du premier opus en 1996. Il se trouve ainsi loin devant des franchises comme Mickey Mouse, Star Wars ou encore Super Mario.

L’entreprise japonaise a été victime d’une cyberattaque au mois d’octobre 2024. Les attaquants ont profité d’une faille de sécurité pour voler les données du studio. Game Freak a confirmé la divulgation de données de ses employés dans une déclaration à la presse. En tout, près d’un téraoctet d’informations sont mises en ligne, à l’instar des documents de travail sur Légendes Pokémon : Z-A, un projet prévu en 2025.

Cette mauvaise nouvelle aggrave encore la situation du studio qui était déjà en mauvaise posture depuis quelques années. Les débats s’enflamment sur internet suite à la pauvreté technique des derniers jeux de la licence Pokémon.

Le fait que Game Freak s’enlise depuis des années soulève une question intéressante : pourquoi se remettre en question lorsqu’on possède la propriété intellectuelle la plus lucrative de l’industrie ?

Pour répondre à cette question, voyons le contexte. Le fondateur, Tajiri, n’est pas un businessman, il est resté ce jeune geek dans l’âme, qui a connu rapidement le succès. Cela explique sans doute son manque d’enthousiasme à développer le studio. Pourtant, il avait le capital nécessaire, grâce à Pokémon, pour s’imposer durablement dans l’industrie.

C’est dans ce contexte que la Pokémon Company a été fondée et où Game Freak détient une part importante en tant que copropriétaire. Pour rappel, cette entreprise a réalisé un bénéfice net de 141 millions de dollars en 2021. Pour Game Freak, elle constitue la garantie de sa trésorerie.

Bien que Game Freak soit copropriétaire, son équipe doit également se plier au rythme effréné imposé par la Pokémon Company en termes de production. Le manque de temps dans le développement explique également cette baisse de qualité. Pourtant, les développeurs sont capables de faire des jeux soignés, à l’instar de Let’s Go Pikachu.  

Au vu de l’argent qui rentre chez Game Freak, on peut considérer sa politique comme paresseuse. En effet, dans un interview, un directeur du studio déclarait qu’il préférait travailler avec une équipe réduite, c’est-à-dire de 20 personnes maximums. Une préférence que partagent de nombreux studios. Lorsque l’effectif augmente, il devient difficile de fédérer les employés autour d’un même objectif. En 2021, l’équipe de Game Freak, travaillant sur Pokémon Sword était d’environ 170 employés.

Malgré ce contexte, Game Freak prévoit quand même de travailler sur d’autres projets que Pokémon. Une équipe se consacre ainsi au développement de titres originaux. Cette stratégie n’a pas encore porté ses fruits pour l’heure. En effet, la plupart des titres sont oubliables à l’instar de Little Town Hero et Giga Wrecker.

Le studio a développé d’autres jeux en dehors de la série Pokémon. Bien que certains aient reçu des critiques positives, ils peinent à marquer les esprits. Pourtant, de nombreux titres méritent le détour à l’instar de :

• Drill Dozer : un jeu primé par le « jeu GBA de l’année » en 2006. Il est sorti uniquement aux États-Unis et au Japon,
• Harmoknight : sortie en 2013 sur la 3DS, ce jeu propose un gameplay simple et efficace qui s’adresse aux passionnés de musique,
• Pocket Card Jockey : sorti à la même époque que le précédent, il n’a malheureusement pas connu de suite,
• Tembo, the Badass Elephant : ce jeu édité par Sega est sorti en 2015 et met en scène Tembo, un éléphant guerrier. Le jeu arrive à séduire les joueurs grâce à son côté addictif,
• Giga Wrecker : malgré un scénario prometteur, le jeu souffre d’une pauvreté de la finition,
• Little Town Hero : sorti en 2019, il s’agit du seul RPG développé par Game Freak en dehors de Pokémon.