Jeux Vidéo 2024 : les 6 prédictions
Retour sur nos prédictions 2023
- On prophétisait une année charnière pour le Cloud gaming : force est de constater qu’il n’en a rien été. La mort de Google Stadia n’a pas tellement aiguisé l’appétit de ses concurrents, probablement à cause du climat économique que l’on évoque un peu plus bas dans cet article. Un horizon financier plus serein pourrait remettre le sujet sur la table, probablement en 2025.
- On a eu plus de réussite concernant le Web3 : la plupart des titres basés sur la spéculation et s’appuyant sur la blockchain n’ont pas convaincu les joueurs et les joueuses, tandis que la bulle NFT semble avoir globalement explosé, entraînant les métavers dans leur chute. Le mot fait désormais fuir, et on parle plus volontiers de Game as a Platform (GaaP) pour évoquer le sujet dans le monde du jeu vidéo.
- Enfin et sans surprise, fin des répercussions du COVID-19 sur le jeu vidéo : retour à la normale du chiffre d’affaires, des événements en présentiel (conventions, salons, esport) et des disponibilités de matériel (cartes graphiques, consoles). La plupart des AAA ayant pris du retard sont également disponibles. La pandémie semble bel et bien derrière nous.
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Une reprise économique qui se fait attendre
« La finance fera plus que jamais la pluie et le beau temps l’année prochaine ». C’est par ces mots que se termine notre prospective, publiée il y a un an. On ne croyait pas si bien dire. Loin des tapes dans le dos des Game Awards, théâtre d’autocongratulations à vocation publicitaire que beaucoup ont jugé proche de l’indécence, plus de 9000 licenciements ont été comptabilisés pour l’année qui s’achève. Triste record. Unity, ByteDance, Embracer, Epic et Amazon sont certes responsables de près de la moitié d’entre eux, mais c’est tout le secteur dans son ensemble qui tremble malgré une légère reprise de sa croissance mondiale (+0,6 % à 184 milliards de dollars, contre – 5,1 % en 2022).
Xavier Liard
Co-fondateur de Dotemu et Playdigious, désormais à la tête de StoreRider
Le contexte favorable de 2020, avec des taux directeurs très faibles et une grande attractivité suite à la pandémie, a généré une bulle spéculative et entraîné des recrutements massifs ; les résultats décevants de l’année dernière, notamment à cause des nombreux reports et d’une concurrence toujours plus rude sur le secteur du divertissement, ont rapidement ramené tout le monde à la réalité. « Avec la remontée des taux d’intérêt, la prévisible baisse des performances et le repli du marché, les valeurs des entreprises du secteur du jeu vidéo, en particulier les petites et moyennes capitalisations, ont subi des baisses notables » analyse Xavier Liard, co-fondateur et ancien patron de Dotemu et Playdigious, pour expliquer la tiédeur des argentiers, dont cette déferlante de licenciements est le symptôme le plus visible.
Fabien Delpiano
espère entrevoir le soleil en 2024 avec son studio, Pastagames
Après une période d’insouciance, les investisseurs adoptent désormais une position attentiste et les éditeurs font le dos rond. « Tout le monde se regarde un peu en chien de faïence. Même ceux qui ont de l’argent se disent que ce n’est pas le moment de le sortir » abonde Fabien Delpiano, à la tête du studio Pastagames. « Et je pense que ce n’est pas fini » prévient-il, à propos des fermetures de studios, avant de poursuivre sur la possibilité de voir ce climat morose perdurer l’année prochaine : « Si rien ne sort, il n’y a pas de chiffre d’affaires, donc j’espère que l’année prochaine on se rendra compte que de ne pas investir dans de nouvelles productions, c’est se préparer à des lendemains qui pleurent ».
Une reprise progressive et prudente des investissements n’entraînerait pas mécaniquement l’éclosion de projets créatifs. Pour s’assurer un bon retour sur investissement, le marché se tournera plus volontiers vers des valeurs sûres, donc des jeux qui s’inscrivent dans les tendances actuelles. Difficile dans ce cas de parier sur l’émergence, l’année prochaine, de nouveaux mouvements philosophiques innovants en termes de propositions vidéoludiques, d’usage ou même de monétisation, surtout si les structures plus modestes ne survivent pas à la défiance des investisseurs. 2024, une année raisonnable ?
Pour ses dix ans, le studio français Flying Oak Games envisage l’avenir avec une certaine prudence
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La grande bataille de l’attention
Free-to-play, jeux service, Xbox Game Pass, Amazon Prime, PlayStation Plus : vendre des jeux vidéo n’est plus, depuis plus de dix ans, le seul moyen de tirer son épingle du jeu. Les revenus viennent désormais beaucoup des abonnements, microtransactions, passes saisonniers et événements en tout genre : la monétisation de l’attention du public est un enjeu crucial. Une nouvelle guerre se joue, en coulisses, à coups d’algorithmes, d’analyse de données utilisateurs et de contrats d’exclusivité monnayés plusieurs millions de dollars. « Il y a de plus en plus de gens qui jouent, c’est génial. Il y a de plus en plus de moyens de les toucher, c’est formidable. Mais il y a encore plus de contenus, et c’est compliqué d’arriver à émerger » confie Fabien Delpiano. Faire parler de son jeu est déjà difficile, mais en maintenir les performances sur la durée tient désormais de la gageure.
D’autant que la concurrence est rude, au sein de l’industrie du jeu vidéo comme en dehors. Netflix, Youtube ou encore Spotify ont également en tête de maximiser la visibilité des contenus à même d’intéresser le grand public. Après une année chargée en sorties, cette tension pourrait arriver à son paroxysme en 2024, avec un calendrier qui semble relativement dégagé en termes de titres premiums. Microsoft a largement consolidé son offre suite au rachat d’Activision Blizzard King, Sony prépare de nombreux jeux service, la relève de Genshin Impact est assurée avec Honkai: Star Rail tandis qu’aucun Battle Royale ou MOBA ne semble enclin à relâcher ses efforts : quel avenir pour les propositions les plus modestes dans cette grande guerre des écosystèmes ?
Optimiste, Fabien Delpiano tempère : « Le principe du grand public, c’est qu’on ne sait jamais vraiment vers quoi il va aller. Il est capable d’aimer des grosses bouses formatées comme de petits trucs indépendants hyper goutus. Les énormes boîtes qui essaient d’industrialiser le processus créatif sont complètement capables de se planter et de devenir complètement has been, parce que d’un coup la tendance va être lancée par un petit créateur indépendant dans un coin. Il reste une place pour les petits qui créent des trucs bizarres. » Une place, c’est certain, mais l’agressivité marketing des premiers de cordée fera son maximum pour appâter le chaland l’année prochaine.
Un nouveau paradigme pour le jeu mobile ?
Sur les 184 milliards de dollars de chiffre d’affaires générés par l’industrie du jeu vidéo en 2023, près de la moitié vient du mobile. Malgré une baisse de 2 % par rapport à l’année dernière, le segment du jeu hyper casual reste énorme, et sa rente particulièrement convoitée. Débouté dans son combat contre le monopole d’Apple sur son système d’exploitation iOS, le géant Epic (Fortnite) a eu plus de succès contre Google. Si la décision est confirmée en appel, la multinationale pourrait se voir contrainte de partager une part de son juteux gâteau.
Xavier Liard vient de lancer StoreRider, une société de service qui markete, adapte et distribue des jeux mobile sur des canaux alternatifs (avion, voiture, opérateurs téléphoniques…). Le sujet l’intéresse donc au plus haut point : « Le timing est parfait pour que certains gros acteurs se positionnent sur des stores alternatifs, avec le Digital Market Act en Europe et la pression de la justice américaine. ». Pour lui, tout le monde pourrait profiter d’une redistribution des forces sur mobile, et notamment les joueurs et les joueuses : « Le sujet est brûlant et les joueurs attendent une alternative, ou du moins, sont au courant de leur potentielles arrivées. Par contre, il sera nécessaire de déployer des ressources significatives pour modifier les habitudes des joueurs, par exemple en proposant des exclusivités. »
« C’est des mastodontes qui se battent entre eux pour savoir qui va prendre 30 % sur les ventes. Tu vas devoir utiliser leur moteur, leur plateforme de vente, leur système de paiement. » affirme Fabien Delpiano, bien plus mesuré sur les répercussions potentielles de cette décision de justice : « Aujourd’hui, ce que tu paies 30%, c’est la visibilité ». Avoir plus d’endroits pour trouver des jeux permettra sans doute à de gros acteurs de grappiller quelques millions à Google, sans pour autant que le bout de la chaîne – les studios de développement, notamment – ne profite vraiment de cette nouvelle donne. « C’est transitoire. Le challenger (NDLR : ici, Epic) crée des conditions avantageuses le temps de récupérer l’audience. Pour nous, cela ne changera rien du tout » conclut-t-il, fataliste sur ce qui se joue au travers du feuilleton Epic/Apple/Google. Reste que ce nouveau paradigme pourrait nous réserver des surprises tout au long de l’année prochaine, d’autant qu’un de ses territoires les plus productifs devrait voir sa progression largement entravée.
Les récentes décisions drastiques du gouvernement chinois, qui souhaite limiter les dépenses de son peuple dans les applications de jeu, affolent en effet les investisseurs du monde entier : Tencent et Netease ont immédiatement dévissé en bourse à la suite de ces annonces politiques. L’empire du Milieu pèse plus de 43 milliards d’euros en 2023, soit 23,6 % du chiffre d’affaires mondial du jeu vidéo : une baisse significative aurait évidemment de lourdes conséquences pour le marché domestique chinois, mais également sur la manière dont ses deux figures de proue gèrent leurs nombreux actifs au niveau international.
Autre centre d’intérêt, côté mobile, pour 2024 : comme l’a fort justement remarqué Factornews, Apple semble allouer moins de ressources et d’intérêt à son service payant Apple Arcade. Plus avare en exclusivités, le géant ne communique pas sur le départ des jeux de son service par abonnement, laissant aux studios de création la liberté de republier une version de leur titre sur l’App Store classique. Résultat, 56 jeux ont déjà purement et simplement disparu de la surface de la terre. D’un autre côté, Netflix poursuit ses efforts pour consolider son offre de SVOD avec quelques jeux vidéo intéressants – Terra Nil, Storyteller, GTA San Andreas, Immortality – en plus des jeux casual liés à certains de ses programmes. Ces deux dynamiques opposées auront certainement quelques enseignements à nous offrir en 2024.
L’IA, où le « copier/coller du futur »
Sujet déjà brûlant en 2023, le recours aux technologies modernes d’Intelligence Artificielle pour générer du contenu semble être une source inépuisable de questionnements et de discussions. La grève des scénaristes d’Hollywood a mis un coup de projecteur sur le problème, qui touche également la création vidéoludique. Sujet technologique autant qu’éthique, il peut à la fois pousser certains à faire le ménage, d’autres à prendre position – comme Take Two ou Zenimax – voire à se justifier, comme Valve avec les jeux entièrement générés par l’IA sur sa plateforme Steam. En attendant, les petits craignent surtout pour la protection de leur travail.
Concevoir un jeu vidéo en quelques prompts ? C’est déjà possible !
Pour Xavier Liard, cette nouvelle compétition va surtout « pressuriser les entreprises existantes qui n’utilisent pas l’IA ». Comment se priver de ce précieux gain de temps, dans la génération d’assets graphiques, mais aussi de dialogues ou de lignes de code ? « C’est un outil comme les autres. Apporter de l’intelligence, de l’originalité, quelque chose qui te permet de te démarquer, c’est pas l’IA qui va le faire » rassure Fabien Delpiano, avant de tempérer : « Fabriquer un clone de Vampire Survivor, ça prend quelques semaines. Avec l’IA, ça prend quelques secondes. Ce que je crains, c’est que les clones arrivent de plus en plus vite ».
En 2024, la question n’est plus de savoir s’il faut utiliser l’IA générative ou pas, mais plutôt comment le faire correctement. Chacun aura évidemment sa propre approche de cette « usine parfaite à remix, à fabriquer des Marvel » comme le souligne Fabien Delpiano. Il ne faudra néanmoins pas oublier qu’une standardisation des contenus risque de faire fuir les consommateurs. L’abus d’IA sera, même à court terme, plutôt contre-productif. « Au bout d’un moment, les gens se lassent » conclut Fabien Delpiano, quand Xavier Liard préfère rappeler que « comme l’arrivée de l’ordinateur, l’IA va transformer les usages et les métiers ». 2024 sera, à n’en pas douter, le théâtre de nombre de ces transformations.
Quoi de neuf côté hardware ?
Avec « plusieurs millions » de Steam Deck vendus, Valve a fait davantage que démontrer la viabilité d’un appareil portable dédié au jeu sur PC. Asus et Lenovo ont déjà lancé leur contre-offensive, et MSI ne va pas tarder : les constructeurs rivalisent d’arguments techniques, sans qu’aucun n’ait vraiment résolu le problème de ce type de machine, l’autonomie. Peut-on imaginer une révolution dans ce domaine dans le courant de l’année ? Rien ne le laisse supposer, et la rumeur dit que Nintendo ne ferait pas avancer beaucoup les choses avec son supposé nouveau modèle de Switch.
La troisième console la plus vendue de l’histoire – 130 millions d’unités en sept ans, derrière la PS2 et la DS – a fait son temps, et après des années de rumeurs insistantes, Big N devrait bien annoncer un nouveau modèle cette année. C’est en tout cas ce que laisse entendre le catalogue plutôt dépouillé de titres first party (édités par Nintendo) en 2024 et la légère érosion des ventes de la machine depuis deux ans. On ne s’attend néanmoins pas à une nouvelle révolution dont Nintendo a le secret : la firme de Kyoto a toutes les raisons de jouer safe avec une évolution tout en douceur de son concept, pour éviter un nouveau fiasco à la Wii U et poursuivre la consolidation de sa très lucrative activité.
Emboîtant le pas de Nintendo, Valve a sorti une console portable pour les jeux Steam en 2022. Asus s’est empressé de faire de même l’année dernière.
Côté jeux : dans l’ombre de GTA 6
La nouvelle est tombée le 5 décembre dernier, pulvérisant tous les records de Youtube en la matière au passage : Grand Theft Auto 6 ne sortira pas avant 2025. Si les quelque 180 millions de possesseurs de l’épisode précédent vont devoir ronger leur frein, une fenêtre reste ouverte pour la concurrence. Mais qui pour succéder aux Zelda, Diablo, Baldur’s Gate, Starfield et autres AAA qui ont animé les douze derniers mois ? Les nombreux retards de développement liés à la pandémie de COVID-19 ont visiblement été rattrapés l’année dernière, sans que les principaux acteurs du marché ne gardent suffisamment de munitions pour celle qui arrive.
Le raz-de-marée GTA VI attendra 2025
En dehors de Final Fantasy VII Rebirth, Tekken 8 et Star Wars Outlaws, sur lequel Ubisoft mise énormément, les douze prochains mois s’annoncent plutôt calmes en titres mastodontes. Il faudra donc compter sur les jeux indépendants et autres AA pour créer la surprise, et heureusement de ce côté la source semble loin d’être tarie. Hellblade 2, The Plucky Squire ou encore le providentiel Hollow Knight Silksong ont la faveur de nos pronostics, tandis que les remasters ou remakes de Silent Hill 2, The Last of Us Part II et Metal Gear Solid 3 devraient assurer côté charts.
On gardera évidemment un œil sur l’épatant Black Myth: Wukong et sa plastique incroyable, ainsi que sur les suites Death Stranding 2, S.T.A.L.K.E.R 2, Dragon’s Dogma 2 et Hades II. Les dizaines de jeux service qui occupent le marché ne sont sans doute pas fâchés de ce calendrier pour le moins relax, même si l’horizon reste ouvert pour une nouvelle pépite sortie de nulle part.
+15% de jeux sortis sur Steam en un an. Un record encore battu en 2024 ?
Conclusion
Turbulences en Chine, panne des investissements, craintes liées à la surexploitation de l’IA générative, guerre permanente pour capter l’attention du public : l’industrie du jeu vidéo connaît de nouveaux défis, qui dépassent le clivage habituel entre la finance et la créativité. Après avoir accusé le coup en 2023, au prix de nombreux licenciements et fermetures de studios, le secteur se voit désormais contraint de trouver une nouvelle forme à même de satisfaire celles et ceux qui imaginent, conçoivent, fabriquent, financent et explorent, sans se cacher derrière un flot ininterrompu de grosses productions. Mise à nue et vulnérable, l’industrie devra plus que jamais assumer ses contradictions en 2024.
édition 2024
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