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Esport

Franchises dans l’esport : état de l'art

Au cœur des sujets liés à la monétisation du secteur de l'esport, le modèle de franchise anime les débats. Tomorrow Lab a convié Tony Rubio, directeur de la rédaction de ConnectEsport et chargé d'études, à dresser un panorama des franchises dans le sport et l'esport afin de se projeter sur les évolutions possibles des ligues esportives compétitives.
Franchise Overwatch
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Sommaire :

La dernière annonce d’une ligue franchisée sur Call Of Duty et les nombreuses péripéties qui l’accompagnent ont relancé le débat sur les franchises dans l’esport. Ce modèle économique, hérité du sport professionnel en Amérique du Nord, s’est implanté dans le secteur de l’esport dès 2017 avec l’annonce des franchises en Overwatch League et en LPL, la ligue chinoise de League of Legends. Entre adeptes et détracteurs, les franchises dans l’esport posent question dans un univers encore jeune, dépourvu de lignes directrices juridiques et économiques fixes.

Les Los Angeles Valiant, une des premières équipes franchisées de l'Overwatch League (© Robert Paul)

Les Los Angeles Valiant, une des premières équipes franchisées de l’Overwatch League (© Robert Paul)

Avant d’aborder plus en détails ce qu’on appelle communément le franchising, il me paraissait intéressant de faire un retour sur la sémantique même du terme franchise.

Comme bien des mots du dictionnaire français, le terme franchise possède de nombreuses définitions, qui varient selon l’époque ou le contexte.

Étymologiquement, franchise est composé du mot franc/franche qui signifie liberté, privilège et immunité.

Selon le Trésor de la Langue Française Informatisée, les franchises sont des « droits, privilèges, libertés que possédaient par charte ou concession, des villes, des pays et leurs habitants, des corps constitués, limitant ainsi le pouvoir de l’autorité souveraine ».

L’étymologie et la définition illustrent à merveille ce qui se déroule dans le monde de l’esport, et surtout du sport. Car l’esport n’a pas inventé la franchise. C’est d’abord au sport, notamment en Amérique du Nord, que l’on doit le système de franchises.

Les franchises dans le sport

On peut distinguer deux types de modèles d’organisation dans le sport professionnel : le premier, bien connu des français et européens, s’appuie sur le système de promotion/relégation.

Pour faire simple, celui-ci consiste à récompenser dans une compétition les équipes les plus performantes et à sanctionner celles dont les résultats sont jugés insatisfaisants. Dans le cadre de ligues ou tournois hiérarchisés, les plus performants sont promus dans la ligue supérieure, tandis que les derniers du classement sont relégués dans la ligue inférieure.

On retrouve ce principe dans le football français, où coexistent plusieurs ligues hiérarchisées (classées dans l’ordre croissant, de la « moins compétitive » à la plus « prestigieuse »).

National 3 ⇔ National 2 ⇔ National ⇔ Ligue 2 ⇔ Ligue 1

A la fin du championnat, les meilleures équipes de chaque ligue (hors ligue 1) s’élèvent dans la hiérarchie et grimpent d’un échelon. De même, les équipes les moins performantes descendent d’un échelon ou disputent un barrage pour éviter une relégation.

Le deuxième modèle d’organisation, et c’est celui qui nous intéresse aujourd’hui, c’est celui des franchises. Dans ce système, pas de promotions, ni de relégations. Les clubs paient leur droit d’entrée dans la ligue pour pouvoir y participer et y rester sur le long terme. Le paiement leur assure une place « définitive » dans la ligue. Les joueurs, coachs, investisseurs, actionnaires et business angels de toutes sortes n’auront pas à craindre une relégation, significative bien souvent de perte de légitimité, d’image et surtout de capitaux.

Ce modèle d’organisation se retrouve historiquement et majoritairement en Amérique du Nord.

La Major League Baseball (MLB) est la plus ancienne des ligues fermées nord-américaines (créée en 1870). Elle sera suivie en 1917 par la National Hockey League (NHL), en 1920 par la National Football League (NFL) en 1946 par la National Basketball Association (NBA) et enfin, en 1993 par la Major League Soccer (MLS).

Pour prendre l’exemple de la NBA, le ticket d’entrée dans la ligue franchisée en 1946 s’élevait à 150 000 dollars. En 2014, l’ajout d’une autre équipe pouvait coûter plus de 600 millions de dollars. Des chiffres bien loin de ceux de l’esport (dont les plus hauts peuvent atteindre jusqu’à 60 millions de dollars pour une entrée en Overwatch League).

Kawhi Leonard des Toronto Raptors lors d'un match de NBA (© Ezra Shaw / AFP)

Kawhi Leonard des Toronto Raptors lors d’un match de NBA (© Ezra Shaw / AFP)

La franchise s’importe dans l’esport

Blizzcon, novembre 2016. Six mois après la sortie de leur nouveau jeu Overwatch, Blizzard annonce la future création de l’Overwatch League : une ligue mondiale sur Overwatch qui s’inspire des ligues franchisées du sport traditionnel.

Chaque équipe de l’Overwatch League représentera une ville, et l’un des objectifs sera d’augmenter au fil des années le nombre d’équipes et donc de villes représentées. Les équipes auront une place garantie dans l’Overwatch League et les joueurs bénéficieront de contrats. Annoncée à l’époque pour 2017, la première saison de l’Overwatch League ne débutera finalement qu’en 2018.

En juillet 2017 sont annoncées les sept premières équipes de l’Overwatch League (Boston, New York, San Francisco, Los Angeles, Miami-Orlando, Shanghai et Séoul), qui seront rejointes par cinq autres (Londres, Philadelphie, Dallas, Houston et encore une fois Los Angeles).

Lors de la première année de compétition, les différents clubs ont dû payer 20 millions de dollars pour faire partie de la ligue franchisée. En 2019, ce prix s’élevait à entre 30 et 60 millions de dollars pour les équipes rejoignant la compétition.

League of Legends et Call Of Duty suivent les pas d’Overwatch

L’instauration des franchises sur League of Legends s’est mis en place après une longue lutte entre les grands clubs esportifs et l’éditeur Riot Games.

Le principal défaut de l’ancien système qui était pointé du doigt par les dirigeants de clubs esportifs tenait en un seul mot : la relégation. Les critiques du système de promotions/relégations se sont cristallisées en 2016, lorsque Unicorns of Love, H2K, The Teams (coalition d’équipes européennes et américaines) et Reginald, le CEO de TSM, ont fait valoir leur droit de critique du système imposé par Riot Games.

Pour faire simple, les dirigeants de structure considéraient que les retours sur investissements étaient trop faibles, qu’ils impliquaient de fait une insécurité de l’emploi des joueurs professionnels et que pesait sur eux une épée de Damoclès, symbolisée par la relégation.

Car être relégué, c’était perdre une partie des investissements placés sur les joueurs, voir des investisseurs et sponsors quitter le bateau, perdre en visibilité et voir échouer toutes les tentatives de storyline autour des joueurs et de l’équipe. En soi : une mort à petit feu pour les structures.

Après plusieurs refus catégoriques, Riot Games s’est décidé à mettre la main à la pâte en 2017, en consentant à répartir une partie des ventes des items numériques (icônes d’invocateurs et skins) aux équipes de la ligue. Bien plus tard, l’éditeur mettra un terme à son modèle esportif en adoptant celui des franchises.

Andy “Reginald” Dinh (au centre), l'un des dirigeants ayant mis en lumière les difficultés économiques des structures (© Gamespot)

Andy “Reginald” Dinh (au centre), l’un des dirigeants ayant mis en lumière les difficultés économiques des structures (© Gamespot)

En avril 2017, et selon la page League of Legends du réseau social chinois Weibo, la LPL (ligue chinoise) a été annoncée comme la première ligue de League of Legends à passer au système de franchises.

Au menu : l’assurance de ne pas être relégué, un passage à 14 équipes dès 2018 (puis 16 en 2019), et un système lui aussi basé sur des villes d’appartenance.

En 2018 et en 2019, les LCS NA (ligue nord-américaine) et le LEC (ligue européenne) épouseront elles-aussi ce système. Les prix d’entrée dans la ligue franchisée étaient néanmoins plus faibles que ceux de l’Overwatch League : entre 10 et 13 millions de dollars d’entrée pour les LCS et entre 8 et 10.5 millions d’euros pour le LEC.

Activision est le dernier éditeur en date à avoir annoncé un passage au système de franchises dans l’esport, sur son jeu Call Of Duty. Mais les espérances des fans et des grands clubs esportifs n’ont pas suivi la hype de l’Overwatch League ou du LEC. Le prix d’entrée dans la ligue franchisée, estimé à 25 millions de dollars, a fait fuir la plupart des équipes de renom de la scène de Call Of Duty. La vidéo de Nadeshot, le fondateur des 100 Thieves, une des équipes les plus dominantes et légitimes sur le jeu, a été un énorme coup d’éclat dans le milieu.

Les franchises dans l’esport, une réussite ?

L’implantation des franchises sur Overwatch et League of Legends ont été différentes. La première a été imposée par l’éditeur et de l’autre, c’était une demande expresse des dirigeants de structures esportives. Le modèle semble être gagnant pour les deux, mais est-ce vraiment bien le cas ?

Les joueurs, grands gagnants du système de franchises

Les joueurs, centre névralgique de l’esport, sont les grands gagnants du système de franchising. Ils sont beaucoup plus encadrés qu’auparavant et plus aucune place n’est laissée à l’erreur et aux dysfonctionnements dans les équipes.

Les joueurs sont désormais sous contrat d’un an, reconductible et gagnent désormais un salaire fixe minimum (50 000 $ par an selon les premiers chiffres de l’Overwatch League en 2017), qui peut être revu à la hausse selon les recettes de la ligue et/ou les ventes d’items numériques. Ils disposent désormais de protections sociales (assurances maladie, plan d’épargne retraite) et d’accompagnements dans leur carrière. Des professionnels hors équipes peuvent leur venir en aide pour les conseiller sur les contrats qu’ils seraient amenés à signer.

C’est notamment pour cette raison qu’a été créée en 2018 l’Association des Joueurs en LCS (la NALCS Players Association). Celle-ci a été imposée par Riot Games pour redonner du pouvoir décisionnaire aux joueurs professionnels.

Les joueurs sont également tenus de respecter les règles de la ligue, sous peine de sanctions.

Les éditeurs gardent la mainmise sur leur propriété intellectuelle

Les éditeurs possèdent la propriété intellectuelle de leur jeu et restent les grands décisionnaires dans l’affaire. Ils ont construit le business model de leur ligue, qu’ils ont ensuite proposé aux structures esportives.

L’éditeur reçoit leurs dossiers de candidatures et approuve les structures qui selon lui, participeront positivement à l’écosystème.

Pour rester sur les franchises en LEC, voilà ce qu’avait annoncé Riot Games concernant la répartition des recettes de la ligue.

repartition riot franchise

Les négociations avec les plateforme de diffusion vont aussi dans le sens de l’éditeur. On pense notamment à celle qui a permis à Blizzard de faire payer à Twitch plus de 90 millions de dollars pour les droits de diffusion de la compétition pendant deux ans, et dans le monde entier (hors Chine).

Les éditeurs sont également en mesure de vendre les droits de retransmissions à la télévision. L’Overwatch League est ainsi diffusée sur plusieurs chaînes télévisées aux Etats-Unis (ESPN, Disney XD, ABC).

Cette stratégie va de pair avec la recherche de chiffres objectifs, comme nous l’a prouvé Blizzard en 2018 en s’associant avec le groupe américain de prestations marketing Nielsen. L’objectif était de déterminer les chiffres précis de l’Overwatch League pour pouvoir se comparer aux audiences sportives et ainsi attirer les investisseurs, sponsors et annonceurs.

Investissements à long terme pour les structures

Un remodelage des ligues compétitives sur League of Legends était une demande des structures. L’instauration du modèle des franchises a permis, en théorie, d’assurer une stabilité financière de la part de la structure qui investit.

Le franchising était alors considéré comme une bonne chose parce que les équipes supportaient déjà tous les coûts et avaient des difficultés à créer des storylines autour des joueurs.

Mais les structures doivent avant tout payer leur entrée en franchise. Une entrée qui coûte entre 10 et 60 millions de dollars selon les jeux et les scènes compétitives. Un chèque conséquent pour des structures qui ont dû, d’une part présenter un dossier en béton armé pour être acceptées, et d’autre part s’entourer d’investisseurs pour montrer patte blanche en termes de ressources économiques.

Les équipes gagnent de l’argent en grande majorité grâce au merch et au sponsoring. A côté de cela, elles doivent assurer des dépenses conséquentes pour payer les équipes (joueurs, coaching staff, nutritionnistes, psychologues…)

Ces dépenses varient évidemment selon les structures et les ligues mais la dernière vidéo de Richard « Rich » Wells, l’ancien directeur esport d’H2K, nous en apprend plus sur les montants des dépenses et recettes d’une “équipe-type” en LEC.

Le salaire moyen des joueurs est de 250 000 euros par an (soit un peu plus 20 000€ par mois). Les joueurs en académie touchent en moyenne 5000 € par mois.

En ajoutant les cotisations patronales, une équipe du LEC coûte en moyenne à l’année 1 715 000 € (hors coaching staff) et 2 015 000 € (coaching staff inclus). En ajoutant les coûts des Gaming House, des corps de métiers liés à la comptabilité et/ou au juridique, on estime le coût d’une équipe du LEC à entre 2 et 4 millions d’euros par an (en moyenne).

Des dépenses qui se rajoutent au paiement d’entrée dans la ligue.

Les retours sur investissement sont relativement faibles, et l’entrée en ligue franchisée reste un grand pari sur le long terme pour les investisseurs.

Mais s’il y a bien une chose sur lesquelles les structures sont assurées d’être gagnantes, c’est en cas de revente de leur place dans la ligue. Si la première année en franchise a coûté énormément d’argent, les places coûtent plus cher d’année en année. Pour l’Overwatch League, les coûts d’entrée ont été multipliés par 3 en seulement deux ans d’existence. Et nul doute que cette croissance sera aussi marquée en LCS ou en LEC.

La massification des sponsors et partenaires pour cette dernière ne vont pas le contredire (Shell, Pringles, Warner, Kia Motors…)

Partenariat entre LEC et KIA motors

Partenariat entre LEC et KIA motors

Entre avantages et inconvénients, les franchises dans l’esport sont un pari sur l’avenir

On pourrait littéralement écrire un livre sur les franchises dans l’esport. Les éléments que nous avons apporté permettent d’en apprendre plus sur leur fonctionnement et ce qui se joue pour notre écosystème.

Néanmoins, les éditeurs, structures, investisseurs ne communiquent que ce qu’ils souhaitent communiquer. Pour être au courant de manière très précise de tout ce qui se déroule en coulisses, il faut être dans la boucle. Les informations qui nous parviennent sont celles que l’on a bien voulu laisser filtrer.

Objectivement, il est donc très difficile de juger en tant qu’observateur extérieur le succès ou l’échec des franchises. Mais on peut s’appuyer sur certains indicateurs comme les démissions de dirigeants, les ventes de slot, les refus de participer à une ligue franchisée…

On a essayé d’établir une liste (évidemment non exhaustive et difficilement objective) des avantages et inconvénients des franchises dans l’esport pour les différents acteurs qui la compose.

 

Avantages   Inconvénients
Structures :

  • Plus de relégation et la possibilité de construire une storyline décente
  • L’assurance d’attirer et de conserver des sponsors et des investisseurs sur le long terme (pas de garantie de pérennité dans l’écosystème sans franchise)
  • La franchise a également permis à des entités qui avait des compétences, une histoire, une valeur de marque de refaire surface (cf Origen)
  • Meilleure visibilité interne sur les coûts globaux
  • Etablissement d’une vraie relation de confiance avec les éditeurs
  • Possibilité d’avoir une voix (avec les associations d’owners)
  • Développer plus facilement les talents via les équipes académiques
Structures :

  • Prix d’entrée élevé et exponentiel
  • Très peu de retours sur investissements immédiat hors très grosses équipes, et ce malgré le revenu sharing
  • Des contraintes supplémentaires pour les équipes (couleurs, naming, obligation d’équipes académies etc)
  • Durcissement des règles
  • “Franchise ou rien”
Joueurs :

  • Garantie de salaire
  • Gain de stabilité
  • Plus grande exposition
  • Voix à la ligue avec l’association des joueurs
  • Cadre légal accru
Joueurs :

  • Une difficulté accrue d’accès à la scène tier 1 si mauvaise gestion des scènes tier 2 et 3
  • Une plus grande pression des joueurs titulaires, qui peuvent être facilement remplacés par les joueurs d’académie
Ligue / éditeur

  • L’assurance d’attirer et de conserver des sponsors et des investisseurs sur le long terme (pas de garantie de pérennité dans l’écosystème sans franchise)
  • Les slots sont achetés par des grands groupes avec des investisseurs et des sponsors sérieux/non endémiques. On est sorti d’une forme d’amateurisme.
  • Création d’une ligue stable permettant aux fan bases de perdurer
  • Accroissement du phénomène de territorialisation (notamment la rivalité EU-NA qui est un gros plus)
  • Possibilité pour les régions d’avoir plus d’indépendances (branding, partenaires, diffusions, création de contenu etc…)
Ligue / éditeur :

  • La ligue franchisée peut avoir des impacts négatifs sur les ligues inférieures non franchisées, qui peuvent être délaissées par l’éditeur. On pense notamment aux scènes tier 2, tier 3 sur Overwatch.
  • Des inadéquations entre le potentiel de la ligue et le prix d’entrée peuvent “tuer dans l’oeuf” la ligue (comme cela a commencé à être le cas pour Call Of Duty).
  • Application d’un système américain à des régions peu habituées, sentiment de méfiance.
  • La fin du système de promotion/relégation met un terme aux belles histoires (cf arrivée de Griffin en LCK)
  • Un échec peut tuer la scène esport complète
  • Beaucoup plus vulnérable aux critiques
  • Doit rapidement se montrer fonctionnel et intéressant (peu/pas de temps d’adaptation).

L’avis des professionnels du secteur

Dans une interview donnée à Esport Insights, Chips, caster O’Gaming, est longuement revenu sur sa vision de la franchise. Très attaché au système de promotion/relégation, il était au départ contre le franchising. Son opinion a depuis évolué.

Il avertit sur les dangers d’investisseurs extérieurs qui auraient été tentés par les retours spéculatifs de l’esport et espéraient un retour sur investissement rapide.

L’investissement sur les joueurs sur le long terme, le fait de tenter des paris, de ne plus avoir peur d’investir et de tenter des choses, le tout lié au fait de ne plus risquer la relégation, sont des éléments positifs de la franchise pour Chips. Selon lui, la franchise est le meilleur moyen de faire grandir le LEC et de monter un écosystème fort.

De l’autre côté de l’Atlantique, Banks, l’un des dirigeants de FaZe Clan, tient un discours bien plus critique et pessimiste sur le système de franchising. Selon lui, les jeux même esports sont destinés à périr sur le court terme. Des investissements aussi importants que ceux demandés par les éditeurs pour rentrer dans les ligues franchisées n’auraient alors aucun sens pour les équipes et clubs esportifs. En espérer des retours sur investissements en dix ans serait illusoire.

Bien qu’il ait annoncé que son équipe ne participerait pas à la franchise de Call Of Duty, Nadeshot, le fondateur des 100 Thieves, ne manquait pas de compliments pour le système de franchises au micro d’ESPN. Selon lui, l’esport est un milieu où il peut être parfois difficile ou dangereux d’investir car tout le travail abattu sur plusieurs mois peut s’écrouler à cause d’une mauvaise game, ou d’un mauvais segment compétitif (à cause de la relégation). Le côté négatif de la franchise, toujours selon ses termes, c’est la manière donc Activision Blizzard gèrent les marques (obligations de changements de noms pour l’Overwatch League : Cloud9 > London Spitfire).

Nadeshot - CEO de 100 thieves

Nadeshot – CEO de 100 thieves

Ben Spoont, le fondateur et directeur général de Misfits Gaming, est revenu fin 2019 sur sa vision du franchising dans l’esport. Interrogé par The Esport Insider sur l’acquisition d’une équipe franchisée sur Call Of Duty, le CEO a réitéré sa confiance en Activision Blizzard (Misfits possède l’équipe des Florida Mayhem en Overwatch League). Malgré l’audience plus faible de Call of Duty, comparé à l’Overwatch League ou à League of Legends, Ben Spoont considère que l’éditeur fera tout ce qui est nécessaire pour atteindre la fanbase de COD (en particulier celle qui ne connaît pas l’esport).

Il insiste sur les intérêts des événements locaux pour les fans et pour la croissance de la marque. Néanmoins, il reste lucide sur les absences de retours sur investissement sur le court terme pour les franchises dans l’esport, prétextant qu’il faut du temps pour qu’une ligue franchisée atteigne son plein potentiel.

Conclusion

Le modèle des franchises dans l’esport n’y est présent que depuis deux ans, et seulement un an pour le LEC. Il est encore trop tôt pour évaluer les bienfaits et les dommages que ce modèle peut apporter/infliger à l’écosystème esportif.

Pour autant, et en fonction des différents avis des acteurs du secteur, on peut se prêter au jeu des prévisions sur l’avenir des franchises dans l’esport.

Considérons que la plupart des éditeurs des jeux esports épousent le système de franchising (sur toutes ou partie de leurs ligues).

Les joueurs seront encore plus protégés et seront assurés de jouer et/ou d’être payés sur une saison minimum (statut de sportifs). Des règlements intérieurs stricts imposés par les éditeurs (après discussion avec les clubs) réduiront les risques d’éclats que nous avons pu connaître dans le milieu (joueurs non payés pendant des mois).

Afin d’assurer la pérennité de la ligue principale et de tous ses acteurs, les éditeurs vont favoriser les passerelles entre les différentes ligues (ligue 3 => ligue 2 => ligue 1 franchisée) et ainsi construire un écosystème global sur leur jeu.

La route tracée par Blizzard concernant la territorialisation des équipes mènera vraisemblablement les autres éditeurs à faire de même. La constitution d’équipes affiliées à des villes ou à des territoires favorisera le storytelling autour des équipes et amènera à des clubs de supporters.

La manière dont Riot Games a géré historiquement ses scènes compétitives nous rassure sur l’avenir du jeu sous le système de franchises dans l’esport. L’Overwatch League semble stable, malgré des audiences moins élevées qu’espéré. Concernant la Call Of Duty League, les premières hésitations semblent s’être évaporées avec les annonces des noms et des villes des équipes, mais Blizzard doit encore prouver qu’ils arriveront à faire aussi bien qu’avec Overwatch.

Tant que l’image de l’esport conservera une image positive, les investisseurs continueront de faire ce qu’ils savent faire de mieux : investir et permettre à des écosystèmes de perdurer jusqu’à ce qu’ils ne soient plus à perte. Faites tomber une seule carte et le château entier s’écroule.

L’histoire peut être magnifique mais il tient à peu de choses qu’elle ne tourne au drame.

Il faudra surveiller attentivement les lancements d’autres ligues franchisées, comme la Call Of Duty League, en espérant que le choix du modèle n’impacte pas négativement l’écosystème esportif, bien trop instable pour supporter un tel coup d’éclat.

 

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Pour enrichir votre reflexion vous conseillions de lire l’article sur la monétisation des équipes esport.

 

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