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Esport

Contrat esport : analyse d’un fardeau nécessaire

Le droit dans l'esport est un sujet épineux. Surtout quand on évoque les relations contractuelles entre les (jeunes) joueurs et les équipes esport. Le Tomorrow Lab a invité Pierre-Xavier Chomiac de Sas (un des rares avocats à s'intéresser sérieusement, depuis quelques années, aux pratiques juridiques des contrats d'esportifs) à se pencher sur le sujet et les avancées à mettre en place pour adapter le droit à l'esport et que l'esport respecte le droit.
Contrat esportifs : Analyse-d’un-fardeau-nécessaire
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Sommaire :

 

Pierre Xavier Chomiac de Sas

Pierre-Xavier Chomiac de Sas

La pratique compétitive de jeux vidéo, au-delà de ses aspects divertissants et vidéoludiques intègre désormais la problématique de la structuration de ses acteurs et de leurs relations professionnelles. La scène esportive implique en effet un travail de concert entre éditeurs de jeux, joueurs esportifs – autonomes ou regroupés au sein d’une équipe – organisateurs d’événements et diffuseurs des contenus.

Question de plus en plus récurrente dans le milieu, l’encadrement contractuel des relations entre joueurs et structures révèle à la fois une vive demande de sécurité juridique et une méconnaissance des besoins, droits et obligations nécessaires à la poursuite d’une activité esportive.

Le manque de recul de beaucoup d’acteurs, amateurs et professionnels, nous a encouragé à proposer des éléments contextuels sur les pratiques contractuelles telles que nous les avons constatées dans le milieu esportif.

Genèse du droit de l’esport

Dans un premier temps, l’écosystème esportif, spécialement les clubs et équipes, s’est attaché à se constituer un statut juridique, massivement par le biais de la création d’associations ou, de plus en plus dans le cadre professionnel, de sociétés commerciales.

Depuis, l’encadrement contractuel entre joueurs et structures est devenu un enjeu majeur perçu comme l’ultime solution à l’ensemble des problématiques rencontrées : encadrement des salaires, confidentialité des informations, sécurité des joueurs notamment en matière de transfert, etc.

Un encadrement contractuel difficile à mettre en place

Les pratiques ont cependant révélé une incapacité de nombreux acteurs esportifs à contractualiser leurs relations. Les diversités inhérentes à chaque structure, leurs financements, le mélange de genres entre structures amateures et professionnelles, la dimension internationale des joueurs et compétitions, la concurrence agressive et dérégulée du secteur ont empêché pendant longtemps une stabilité du milieu.

Sont ainsi apparus une variété d’actes juridiques à l’initiative des clubs pour tenter de contrôler ses joueurs ou dans certains cas promouvoir, à travers l’illusion de contrats ou chartes, le sérieux de leur structure.

 

Des contrats sans valeur

Encore aujourd’hui, la majorité des contrats des clubs amateurs n’ont aucune valeur juridique : clauses abusives ou illégales, servitudes déguisées, rémunérations frauduleuses, absence de statut des parties, objets illicites, etc. Ont été également envisagés des chartes éthiques et/ou contrats moraux avec aussi peu de valeur ou de résultats réels.

Non réfléchis ou préparés, la quasi-totalité des contrats n’étaient et ne sont dans certains cas pas appliqués. Un effet pervers a même permis d’user de ces contrats pour faire pression sur les joueurs, généralement plus jeunes et moins expérimentés.

Prestation de service ou salariat

Forme historique de l’encadrement contractuel des joueurs esportifs, le contrat de prestation de service a séduit par la liberté de ce type de services permettant la signature de contrats entre des sociétés commerciales ou associations avec des joueurs adoptant le statut d’autoentrepreneur ou créant des sociétés (SARL ou SAS).

Esport : des prestations de services variées

Le contrat de prestation de service permet ainsi une meilleure précision dans la définition des obligations des parties, notamment leurs modalités d’exécution, les coût et conditions de règlement, les responsabilités respectives, etc.

Aux simples participations aux compétitions sportives peuvent également être envisagées des prestations annexes de représentation ou promotion de marques, de création et publication de contenus sur les réseaux sociaux, la cession de droits d’image et propriété intellectuelle sur d’éventuelles créations. Son adaptabilité permet enfin de préciser la fin de relation notamment en cas de modification de l’activité ou le manque de performance des joueurs.

Cependant, la liberté contractuelle dans la rédaction des obligations des parties suppose une attention particulière aux contenus des clauses. De fait, de très nombreux contrats esportifs actuels sont sujet à un risque de requalification de la relation en contrat de travail, notamment compte tenu des liens de subordination et de dépendance économique entre les parties, et dont les conséquences civiles et pénales seraient désastreuses pour les structures.

Le contrat de travail : le risque de requalification

L’alternative se trouvait alors dans le droit du travail avec les CDI et les CDD. De nombreux obstacles sont rapidement apparus dans l’utilisation du contrat de travail de droit commun pour le secteur esportif : trop complexe à mettre en place, il s’adapte mal aux spécificités liées aux saisons de compétitions variables selon les jeux, la qualification des prestations variées demandées aux joueurs, l’applicabilité des conventions collectives associées ou encore les questions de rupture de contrat et renouvellement de joueurs, etc.

Les statuts spécifiques des régimes spéciaux tels le contrat sportif, artiste-interprète ou mannequin n’ont pas plus été utilisés tant leur objet est éloigné de la réalité de la pratique esportive.

L’apport législatif de 2016 : le CDD esportif

Protéger le développement de l’esport

Conscient des dangers d’un secteur économique entier sans garde fou, le législateur s’est mobilisé en 2016 afin de proposer un premier régime juridique pour l’esport. Lui refusant le statut de sport, impossible à mettre en œuvre, ce dernier s’est focalisé sur les deux problèmes jugés les plus importants : le contrôle des compétitions et la protection des joueurs.

Rapport intermédiaire préparant le futur cadre légal de l’esport présentant l’ensemble des problématiques rencontrées.

Nota Bene : Pourquoi l’esport ne peut être un sport : Reconnu dans certains pays comme une discipline sportive, encouragée pour faire partie des disciplines olympiques, l’esport demeure en France un faux ami juridique, le statut sportif lui ayant été refusé à l’occasion des premières règles encadrant l’esport. Le législateur s’est appliqué dans une approche plus cartésienne à identifier la réalité de l’activité, ses caractéristiques pour en déduire la qualification juridique la plus adaptée : il ressort, encore aujourd’hui, que l’esport est un terme recouvrant des concepts et critères mal définis, intégrant des enjeux touchant à la fois les jeux, les joueurs et l’organisation de la compétition. Plus d’informations.

Légaliser les compétitions

Concernant le contrôle de l’esport, toute compétition esportive est soumise à un régime de déclaration préalable détaillant notamment les lieux, participants, responsables organisateurs et cash-prizes impliqués. Afin d’enrayer tout risque d’addiction et de développement d’offres illégales, le législateur a interdit toute compétition tenue exclusivement en ligne ainsi que toute pratique de paris portant sur l’esport.

Protéger les joueurs

Concernant la protection des joueurs, la Loi pour une République Numérique a mis en place un statut autonome pour les joueurs esportifs, proche de celui des sportifs professionnels en matière notamment de carrière et modes d’exercice des activités, assurant aux acteurs des compétitions de jeux vidéo certaines des garanties auxquelles ils aspiraient.

Ce contrat à durée déterminée spécifique aux joueurs de jeux vidéo est aujourd’hui l’unique moyen d’embauche de ces professionnels, évinçant le recours au contrat d’usage. Le texte impose ainsi des conditions de forme et de fond à respecter pour le contrat : rédigé en trois exemplaires originaux, il doit être établi par écrit, mentionner l’identité des parties, la date d’embauche du joueur, et la durée de son engagement, qui ne peut être supérieure à cinq ans, la désignation de l’emploi, le montant de la rémunération.

Plus d’information sur l’agrément des équipes esportives pour employer des joueurs

Les enfants esportifs surprotégés

Une attention particulière a par ailleurs été donnée aux joueurs esportifs mineurs, dont le travail est par principe interdit. L’emploi d’enfants de moins de seize ans dans une compétition esportive implique le respect scrupuleux des obligations applicables aux seuls exceptions concernant le travail des enfants du Code du travail, également applicables aux enfants artistes, forains, mannequins et plus récemment influenceurs.

Tout contrat conclu avec un mineur en violation de la réglementation en vigueur est passible de nullité, invocable par le mineur. Le non-respect des dispositions légales liées à l’emploi de mineurs est susceptible de poursuites civiles mais également pénales, punies de peines d’emprisonnement de cinq ans et 75 000 euros d’amendes.

Une réaction mitigée

Au départ ravi d’un encadrement législatif accueilli comme une reconnaissance professionnelle, le rêve du statut sportif a disparu faisant apparaitre un nouveau contrat dont les modalités et contraintes se sont révélées trop strictes pour les structures et associations esportives.

En effet, en apportant un statut de salarié aux joueurs esportifs, le droit s’est confronté à l’amateurisme et désorganisation des structures, incapables financièrement et juridiquement d’assurer leurs obligations dans un écosystème qui peine à trouver sa rentabilité économique (Esport : L’équipe esport – modèles économiques des clubs sur League of Legends notamment en LFL et LEC).

L’opportunité de contrat de travail demeure également critiquable au regard des usages antérieurs des acteurs de l’esport, séduits par la liberté de contrats de services. L’efficacité de ce système n’enlève cependant toujours pas le risque d’une requalification en contrat de travail laquelle impliquait, entre autres, un rappel de cotisations sociales, de CSG et de CRDS à l’encontre des commanditaires.

Un avenir plein d’espoir

Le monde esportif français semble évoluer vers une meilleure compréhension et utilisation du droit et des contrats, au service de leur développement. Si le marketing est toujours aussi présent, l’appréhension des problématiques liées aux transferts, à la rémunération des joueurs, à leurs conditions de formation et de travail semble désormais acquise, permettant à terme de trouver un équilibre dans les relations entre structures et joueurs.

Secteur en corégulation, les contrats esportifs des joueurs s’imposent de plus en plus aux structures par l’intermédiaire des autres acteurs usant de plus en plus de contrats pour réguler et encadrer leurs propres relations professionnelles : les éditeurs de jeux vidéo à travers leurs CLUF définissent plus précisément les droits et obligations des joueurs notamment en matière de compétition, les organisateurs d’événements prévoient des règlements de jeux imposant le respect de formalités administratives et le respect des dispositions légales notamment vis-à-vis des joueurs, les sponsors et partenaires commerciaux exigent des garanties sur la stabilité des structures et leurs joueurs avant d’envisager des investissements promotionnels.

Malgré des pratiques encore disparates des joueurs et leurs partenaires, il existe aujourd’hui une réelle volonté de formation de la part des associations, sociétés d’équipes esportives ainsi que des pouvoirs publics (interview de Denis Masséglia, député attaché à développer l’esport) de réglementer et uniformiser les pratiques contractuelles propres au milieu esportif. Il importe d’apporter une meilleure transparence réglementaire des compétitions tout en continuant de garantir une protection effective des joueurs esportifs.

 

Pierre-Xavier Chomiac de Sas est impliqué depuis plusieurs années dans l’accompagnement des éditeurs de jeux vidéo et des créateurs de contenus en ligne, et a suivi avec beaucoup d’attention les premiers développements législatifs pour encadrer la pratique compétitive de jeu vidéo.

Aujourd’hui, son cabinet a développé compréhension et expérience avancée des besoins et problématiques que rencontrent les professionnels esportifs et propose ses services pour les aider à se développer dans les meilleures conditions : audit des structures et parcours de joueurs pour optimiser leurs modèles économiques et partenariats commerciaux, rédaction des documents – contrats, règlements de jeu, formalités administratives – ainsi que le conseil juridique sur l’ensemble des projets et outils entrepreneuriaux et innovants dans le domaine du jeu vidéo et de l’esport.

PCS AvocatMe PX Chomiac de Sas

px@chomiacdesas.com@AvocatPcs