Métier
Elsa Varens exerce depuis 2012 en tant que professionnelle du son. Elle a débuté sa carrière de manière classique, en intervenant de manière ponctuelle sur des tournages de films. Après deux ans sous statut d’intermittente du spectacle, elle a décidé d’opter pour plus de stabilité en rejoignant les équipes son du Groupe TF1.
À la recherche « d’ambiances de travail différentes, avec plus de créativité et moins de pression au quotidien », elle a décidé de se « réinventer » en se tournant vers l’univers du jeu vidéo. Elle intervient aujourd’hui en tant que professionnelle indépendante, avec une collaboration régulière auprès d’Ubisoft.
« Mon travail consiste à concevoir et intégrer des éléments sonores pour renforcer l’expérience immersive des joueurs. J’apporte une dimension supplémentaire à l’image, qui est la base première, la première accroche pour le joueur. Mon rôle, c’est tantôt de créer des éléments sonores, tantôt de capturer ces éléments pour venir les intégrer dans la proposition créative. »

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Missions
« Au jour le jour, je suis amenée à collaborer avec des développeurs et des designers pour créer des sons de natures diverses », explique Elsa Varens. « Je peux être amenée à développer et placer des sons de différentes manières : il peut s’agir d’habiller le jeu en créant des ambiances de fond, mais aussi de créer des sons qui réagissent en temps réel aux actions du joueur. Là, vous devez penser aux bruits de pas, au son que fait une flèche qu’on tire ou un pistolet ou un bazooka dans un monde cyberpunk… Vous n’imaginez pas à quel point on peut jouer sur des détails minimes pour que le joueur reconnaisse parfaitement les choses, se sente en terrain connu, mais aussi qu’il soit surpris ! Ce que je préfère faire, ce sont les ambiances de forêt. C’est assez contradictoire car c’est assez complexe à mettre en place, si on veut proposer quelque chose de prenant. Ça peut donc être assez fatiguant, impliquer pas mal de tension, alors qu’on travaille plutôt sur une ambiance apaisante ! C’est à moi qu’on fait aussi appel pour gérer les effets de dialogue : soit juste le bruit de la bulle de dialogue qui apparaît, soit les effets de voix ! »
Mais il y a d’autres dimensions du métier à ne pas négliger. Voici une cartographie complète des misions qui peuvent incomber au Technicien son :
- Création et conception d’effets sonores adaptés au gameplay :
Le technicien son conçoit des effets sonores réalistes et immersifs (bruitages de pas, tirs, explosions, etc.) qui évoluent en fonction des actions du joueur. Ces sons doivent être réactifs, dynamiques, et s’adapter aux différentes situations du jeu pour renforcer l’immersion.
- Enregistrement et traitement de sons originaux :
Lorsqu’il est nécessaire de capturer des sons spécifiques, le technicien enregistre directement des sources audio ou utilise des bibliothèques sonores. Ensuite, il traite ces sons en appliquant des filtres et des modifications pour correspondre à l’ambiance et au style du jeu.
- Intégration des éléments sonores dans le moteur de jeu :
À l’aide de logiciels de middleware audio comme FMOD ou Wwise, le technicien intègre les sons dans le moteur de jeu (Unity, Unreal Engine, etc.). Il s’assure que chaque effet sonore est synchronisé avec les actions et animations du jeu pour une expérience fluide.
- Création de paysages sonores et d’ambiances dynamiques :
Le technicien son crée des paysages sonores (ambiances naturelles, urbaines, futuristes, etc.) qui varient en fonction de l’environnement du jeu. Ces ambiances évoluent souvent en temps réel, en fonction de l’endroit où se trouve le joueur, ajoutant ainsi une dimension immersive.
- Test et ajustement des éléments sonores en conditions de jeu :
Une fois les sons intégrés, le technicien effectue des tests en jeu pour s’assurer qu’ils se comportent comme prévu, sans latence ni défaillance. Il effectue des ajustements de volume, de spatialisation et de fréquence pour garantir que le son est équilibré avec les autres éléments du jeu.
Les responsabilités de la Technicienne son
La grande responsabilité de la Technicienne son spécialisée en jeu vidéo, c’est « de faire en sorte que le joueur se sente immergé dans un univers sonore qui évolue avec lui » estime Elsa Varens. « C’est d’apporter une valeur ajoutée, un sens ajouté – je parle ici du sensoriel. On doit apporter plus que l’image. Regardez un jeu comme Tetris : il n’a pas nécessité de grande intervention sur le son, mais c’est la preuve qu’un jeu est aussi rythmé par ses effets sonores. Ils sont son identité et ils font aussi son succès ! ».
Compétences
« Il faut combiner des compétences techniques en traitement et manipulation de sons avec une compréhension du gameplay. C’est ce qui nous permettra de concevoir des sons adaptés aux interactions en temps réel ! », répond Elsa Varens lorsqu’on évoque les savoir-faire à maîtriser.
Mais quelles sont les outils techniques à maîtriser et les autres connaissances à mobiliser ?
- Maîtrise des logiciels audio et de middleware :
- Savoir utiliser des logiciels comme Pro Tools, Logic Pro, et des outils de traitement sonore est fondamental pour la création et le mixage des sons ;
- Maîtriser les middleware audio comme FMOD et Wwise est indispensable pour intégrer les sons dans les moteurs de jeu (Unity, Unreal Engine) et les synchroniser avec le gameplay.
- Connaissance des moteurs de jeu :
- Avoir une bonne compréhension des moteurs de jeu tels que Unity et Unreal Engine permet au technicien son d’optimiser l’intégration sonore et de travailler efficacement avec les équipes de développement.
- Compréhension de l’acoustique et de la spatialisation sonore :
- Pour créer une expérience immersive, le technicien doit maîtriser les techniques de spatialisation, de réverbération et d’acoustique afin de placer les sons dans l’espace et de créer un environnement sonore réaliste.
- Création et manipulation d’effets sonores :
- Les jeux vidéo nécessitent des effets sonores immersifs et uniques. Le technicien son doit être capable de concevoir et d’enregistrer des effets en utilisant des synthétiseurs, des bibliothèques sonores et des techniques de sound design.
- Sensibilité au gameplay et au rythme :
- La réactivité du son est cruciale dans un jeu vidéo. Il faut comprendre le gameplay pour anticiper les besoins sonores liés aux actions du joueur et adapter le son aux différentes situations.
Qualités
Pour Elsa Varens, il existe quatre points cardinaux en matière de compétences et qualités personnelles.
- Créativité et imagination :
La créativité est essentielle pour concevoir des sons qui enrichissent l’univers du jeu et captivent les joueurs. « Un bon technicien doit savoir proposer des idées novatrices adaptées à chaque projet ! »
- Rigueur et sens du détail :
« La rigueur est nécessaire pour détecter les détails et éviter toute imperfection sonore qui pourrait nuire à l’expérience immersive : c’est ce qui s’appelle offrir un travail propre, si propre qu’il ne doit plus être perçu comme l’intervention d’un technicien, mais comme un monde à part entière », insiste la spécialiste.
- Capacité d’adaptation et flexibilité :
« Le développement de jeux est un processus évolutif, et les besoins sonores peuvent changer rapidement. Sans surprise, il faut donc savoir s’adapter aux nouvelles directions artistiques et aussi aux retours des autres équipes, en gardant l’esprit ouvert et ne restant surtout pas bloqué sur la valeur de ses propres propositions. Chacun peut avoir l’impression de faire de l’art, que ce soit dans l’image ou dans le son – mais il est important de se rappeler qu’il s’agit d’un travail d’équipe, d’un projet multi-tâches, qui sert à faire émerger un projet plus qu’à valoriser un talent personnel ».
- Communication et travail en équipe :
C’est d’ailleurs la dernière qualité essentielle : le travail en équipe, notamment avec des développeurs, des designers et des artistes visuels. C’est un point essentiel pour que le son s’intègre parfaitement au jeu. Une bonne communication est donc indispensable pour comprendre et respecter les objectifs du projet.
« Je ne sais pas si on peut parler de qualité à proprement parler, mais il est important de dire qu’il faut avoir la passion du son. Être technicien du son, c’est un métier passion ! On ne peut pas s’en sortir sur le long terme – et peut-être même pas sur un seul projet – si on n’a pas l’amour du détail et de la créativité qui passe par les oreilles. Et il ne faut pas surtout oublier la dimension technique ! Être créatif, c’est bien, mais il faut aussi aimer manipuler les outils qui vont avec le métier », insiste Elsa Varens.
Niveau d’études nécessaire
De manière générale, les métiers de spécialistes du son – qu’ils soient liés à l’univers du jeu vidéo ou autre – sont rattachés à des formations de type Bac +2 ou Bac +3. « Personnellement, j’ai suivi un BTS Métiers de l’audiovisuel, option Son, que j’ai complété par deux formations complémentaires : une certification « Technicien du son » assez classique, reconnue par l’État français, puis une formation courte, très professionnalisante, dans une école de cinéma à Bruxelles.
À l’époque, je ne savais pas encore que je me dirigerais vers le jeu vidéo. Ma certification reconnue par l’État m’avait déjà armée de la plupart des outils nécessaires pour avancer sans difficulté.
Mais, comme souvent dans ce genre de métiers, le plus formateur, c’est d’avoir les mains dans le cambouis : c’est en commençant à travailler sur des projets que je me suis réellement perfectionnée et que j’ai commencé à me sentir vraiment légitime », explique notre professionnelle.
Quelle formation ?
Parmi les autres cursus envisageables, on peut notamment citer :
- les Licences Pro Techniques du son ;
- les formations professionnalisantes en écoles de cinéma, comme l’ESRA ou l’ENS Louis-Lumière ;
- ou les formations en écoles spécialisées dans le jeu vidéo.
La plupart de ces formations intègrent des périodes de stage ou d’alternance essentielles pour gagner une pleine maîtrise des outils techniques.
Les entreprises qui recrutent
En 2023-2024, parmi les entreprises françaises ayant recruté activement des techniciens du son spécialisés, on a pu relever les noms suivants :
- Ubisoft – L’un des leaders mondiaux du jeu vidéo, connu notamment pour ses titres Assassin’s Creed ou Far Cry.
- Asobo Studio – Situé à Bordeaux, Asobo est reconnu pour des jeux innovants comme Microsoft Flight Simulator et A Plague Tale. Ce studio mise sur des environnements sonores de haute qualité.
- Quantic Dream – Spécialisé dans les jeux narratifs et immersifs (Detroit: Become Human, Heavy Rain), Quantic Dream est basé à Paris et valorise l’expertise sonore pour créer des expériences émotionnellement engageantes.
- Dontnod Entertainment – Un studio indépendant basé à Paris, connu pour Life is Strange notamment.
- Focus Home Interactive – Acteur important de l’édition et du développement de jeux vidéo, Focus collabore avec divers studios français et recherche des talents audio pour optimiser l’expérience sonore dans ses projets variés.
Salaire
Pour un technicien débutant, les salaires d’entrée se situent autour de 1 800 à 2 200 euros bruts par mois, lorsqu’est intégrée une structure de manière fixe. Bien entendu, le poids des certifications et des expériences passées en sound design, en mixage ou dans toute autre expertise son pertinente pourra influencer la rémunération à la hausse. De même, la taille de la structure qui propose un contrat et la portée commerciale du ou des projets proposés auront aussi leur importance.
Un professionnel avec deux à trois d’expérience peut espérer faire grimper sa rémunération aux alentours de 2 500 euros bruts.
Enfin, on repère des profils confirmés rémunérés environ 3 500 euros bruts par mois.
Exercer en indépendant
« Il est plus naturel de travailler par à-coups sur différents projets, en tant qu’indépendant ou intermittent du spectacle, quand on se tourne vers l’audiovisuel – que ce soit pour la télé, la radio ou le cinéma », clarifie Elsa Varens. « Quand on se dirige vers le jeu vidéo, c’est un peu différent. En général, les studios et les développeurs de jeux aiment bien s’attacher des équipes fixes, qui vont parfois se pencher sur plusieurs projets en même temps. Souvent, des éléments que j’ai travaillés pour un projet vont servir de base pour une autre production. Je ne parle pas de copier-coller, mais on va réutiliser les mêmes trucages, les mêmes dynamiques. Et, plus souvent encore, lorsque je dois faire de la captation de bruitage, je vais me constituer tout un bagage qui va servir pour différents jeux, à différents moments. D’où l’intérêt d’avoir une salariée technicienne du son plutôt qu’un électron libre ! », explique-t-elle.
Il reste néanmoins possible de se greffer sur des projets isolés. Les plateformes de freelancing regorgent d’ailleurs de techniciens du son. En se positionnant en indépendant, il va être possible de proposer des tarifs qui oscillent entre 300 euros par jour pour un projet « facile » et un profil débutant et près de 700 euros par jour pour les « stars » de la place. Si on veut retenir une fourchette, on peut se baser sur une tarification moyenne entre 350 à 450 par jour, selon le proposé et les outils demandés.
Évolution de carrière
« Avec de l’expérience, on peut évoluer vers un poste de Sound Designer, où l’on est davantage impliqué dans la création et l’animation des univers sonores. Il est aussi possible de devenir Directeur du son quand on a vraiment de la bouteille, pour superviser les équipes audio sur des projets d’envergure. Certains de mes collègues techniciens préfèrent changer un peu de fonction sans pour autant grimper beaucoup en responsabilités. Ils se spécialisent alors en audio programmation. Concrètement, cela veut dire qu’ils vont se concentrer sur l’intégration des aspects techniques du son dans le développement du jeu ».
Les avantages et inconvénients
Pour Elsa Varens, l’avantage le plus évident, lorsqu’on se spécialise en tant que Technicienne son pour le jeu vidéo, « c’est une certaine forme de stabilité. Je l’ai déjà dit : il est plus naturel d’être embauchée comme technicienne son salariée par une entreprise qui est dans le gaming que par une structure qui produit des émissions télé ou des films. La stabilité, c’est aussi une régularité de revenu qu’on n’a pas forcément quand on travaille à la mission. »
Sa deuxième accroche avec le métier, « c’est, sans surprise, la forte mobilisation créative. Même sans être une gameuse invétérée, imaginez-vous : au quotidien, vous créez des mondes, vous les peaufinez, vous mettez un peu votre patte sur des univers visuels incroyables ! On peut dire que ça fait un peu voyager ! Et puis il y a le côté hyper gratifiant d’avoir participé à un jeu vidéo qui trouve le succès. Ça peut faire réagir les amis qui sont fans de jeu vidéo ! On est des experts techniques, mais on met un pied dans un domaine quand même assez exceptionnel », selon elle.
Lorsqu’il s’agit d’évoquer les inconvénients, elle mentionne sans hésiter la fatigue visuelle, « parce que, oui, on est des professionnels de l’oreille, mais ce sont les yeux qui prennent cher. Caler des sons, c’est passer des heures et des heures sur des réglettes et des outils à pointer des microsecondes. Moi j’ai ce défaut d’aller chercher l’écran avec la tête, c’est assez courant dans nos équipes. On a le réflexe d’aller voir que c’est bien positionné et ce n’est pas toujours agréable pour les yeux, le dos, la nuque en fin de journée ! ».
Enfin, Elsa mentionne la diversité des projets sur lesquels elle a l’occasion de travailler : « Il y a un juste équilibre qui fait qu’on est forcément dépaysé par un nouveau jeu et qu’on est aussi à l’aise, en terrain connu, parce qu’il y a toujours des codes qui reviennent. Quelque chose de stimulant et de reposant à la fois, si on veut ! ».
Envie de contacter Elsa Varens pour un projet ? Vous pouvez lui écrire à : evarens@gmail.com